- Contexte géopolitique et spatial
- Chang’e-8 : la mission clé de 2028
- Une centrale nucléaire sur la Lune ?
- Rivalités et coopérations avec les États-Unis
- Impacts scientifiques, éthiques et techniques
- Sources et références
Contexte géopolitique et spatial
La Chine a confirmé, à travers une présentation officielle, son intérêt pour la construction d’une centrale nucléaire sur la Lune. Cette infrastructure énergétique permettrait d’alimenter la future station scientifique lunaire internationale (ILRS – *International Lunar Research Station*) développée en partenariat avec la Russie.
L’annonce a été faite à l’occasion d’un congrès international à Shanghai, réunissant 17 pays et organisations partenaires du projet ILRS. Cette coopération sino-russe, amorcée avant l’invasion de l’Ukraine, a été renforcée par les sanctions occidentales pesant sur Roscosmos, qui ont limité ses accès aux technologies spatiales américaines et européennes.

Chang’e-8 : la mission clé de 2028
La mission Chang’e-8, prévue pour 2028, constitue un jalon fondamental. Cette mission robotique aura pour objectif de tester les premières infrastructures à long terme sur le sol lunaire, notamment des systèmes de production d’énergie, des pipelines de transfert thermique et électrique, ainsi que des unités de recherche automatisées.
Le Chief Engineer Pei Zhaoyu a indiqué que l’alimentation énergétique reposera sur une combinaison de panneaux solaires de grande ampleur et de systèmes de chauffage installés directement sur la surface lunaire. Mais en complément, un module nucléaire reste envisagé comme solution pérenne pour les besoins énergétiques croissants de la future base habitée.

Une centrale nucléaire sur la Lune ?
Selon Wu Weiren, architecte en chef du programme lunaire chinois, la Russie dispose d’un avantage technologique certain dans le domaine des centrales nucléaires miniaturisées adaptées aux conditions spatiales. Il a déclaré à Reuters : « Une question clé pour l’ILRS est celle de l’approvisionnement énergétique. En matière de centrales nucléaires, la Russie est en avance sur les États-Unis. »
Déjà en 2024, Roscosmos avait évoqué un objectif : mettre en service une centrale nucléaire lunaire à horizon 2035. Ce plan inclut un réacteur à fission miniaturisé, similaire aux projets américains de la NASA et du DOE (programme Kilopower), mais développé avec des technologies russes et potentiellement intégrées au sein du module de l’ILRS.
Rivalités technologiques avec les États-Unis
Le projet chinois coïncide avec l’ambitieux programme Artemis de la NASA, qui vise à faire revenir des astronautes américains sur le sol lunaire d’ici décembre 2025. Alors que la NASA s’appuie sur un consortium d’agences spatiales occidentales (ESA, JAXA, CSA), la Chine et la Russie bâtissent un réseau parallèle d’États non alignés autour de l’ILRS.
La Chine entend également ouvrir ce programme à une large collaboration internationale via le futur projet 555, qui viserait à impliquer 50 pays, 500 instituts scientifiques et 5 000 chercheurs dans l’étude, l’exploitation et la colonisation progressive du pôle sud lunaire.
Défis scientifiques, environnementaux et éthiques
Installer un réacteur nucléaire sur la Lune soulève d’importantes questions scientifiques et éthiques :
- Durabilité : les conditions lunaires extrêmes (radiations, variations de température de ±120°C) imposent des défis sans précédent pour la conception des matériaux et le refroidissement du réacteur.
- Sécurité : un lancement raté ou une fuite radioactive dans l’environnement lunaire poserait des questions de responsabilité internationale (cf. Traité de l’espace de 1967).
- Exploitation des ressources : la possibilité d’utiliser des matériaux lunaires pour alimenter le réacteur, comme l’hélium-3 ou le thorium, est à l’étude (voir les travaux de l’ISES sur l’énergie extraterrestre).
À l’intersection de la géopolitique, de l’innovation et du droit spatial, le projet chinois de centrale nucléaire lunaire pourrait remodeler durablement l’équilibre des puissances dans l’exploration spatiale.
Sources et références
- Reuters – China eyes nuclear power for moon base with Russia (2025)
- NASA – Kilopower Reactor Project
- UNOOSA – Outer Space Treaty (1967)
- Liu Ying, *Journal of Space Diplomacy*, 2024 – « La Chine et la Russie face aux sanctions technologiques »