Les héritiers invisibles : enquête sur les nepo babies de la haute fonction publique

Les népo babys secrets de la fonction publique
Les népo babys secrets de la fonction publique

Ils ne chantent pas, ne défilent pas sur les podiums, n’ouvrent pas de restaurants ni de marques de parfum. Mais ils règnent. En silence. Leur royaume est celui des notes confidentielles, des nominations préfectorales, des commissions décisives. Ils sont les enfants de la République, nés au sein de la haute fonction publique, souvent invisibles, toujours stratégiques. Voici leur récit.


Un monde héréditaire en république méritocratique

La République française se drape depuis deux siècles dans l’idéologie de la méritocratie. Mais sous le vernis républicain se dissimule une transmission féodale du pouvoir. Dans les arcanes de l’administration, ce ne sont pas seulement les compétences qui s’héritent, mais les postes, les codes, les carnets d’adresses. Une noblesse sans blason, mais non sans privilèges. Le népotisme y est un tabou mondain : nié en surface, sanctuarisé en pratique.

Plus encore, ces filiations sont rarement affichées. Elles se devinent, s’apprennent à demi-mots dans les dîners de cabinets, mais ne figurent jamais sur les CV officiels. La discrétion est la règle d’or. Dans cette aristocratie de l’ombre, l’efficacité administrative se conjugue à la pudeur sociale. On ne dit pas qu’on est « fils de », on laisse deviner. Le pouvoir réel ne s’annonce pas, il se transmet en silence.


Portraits d’héritiers : 30 visages, 30 trajectoires d’un héritage invisible

Ce chapitre s’enrichit désormais de trente profils, soigneusement sélectionnés, illustrant chacun à leur manière les ramifications silencieuses du népotisme républicain. Trente noms, trente destins, un même code génétique : celui de la transmission administrative, sociale et intellectuelle à la française.

Marc Guillaume (60 ans)
Fils de Gilbert Guillaume, ancien président de la Cour internationale de justice. Énarque (1991), préfet de Paris, il incarne la continuité administrative pure.

Guillaume Louvel (35 ans)
Fils de Bertrand Louvel, ancien premier président de la Cour de cassation. Avocat aux conseils, il s’est imposé dans le contentieux d’État.

Jeanne Bruguière (30 ans)
Petite-fille du juge Jean-Louis Bruguière. Juriste en cybersécurité, elle travaille auprès d’agences européennes.

Éléonore Foucault (33 ans)
Fille d’un magistrat à la Cour des comptes. Diplômée de l’ENA, elle œuvre au Trésor sur les enjeux numériques.

Charlotte Morel-Vernerey (36 ans)
Fille de Jean-Louis Morel, conseiller d’État. Haut fonctionnaire au ministère de la Culture, spécialisée dans les politiques publiques d’influence.

Mathieu Légier (34 ans)
Fils d’un ancien préfet de région. Aujourd’hui en poste à la DGSI, responsable des stratégies sécuritaires internes.

Thibault Nallet (38 ans)
Fils d’un conseiller d’État influent. Diplomate à Bruxelles, il représente la France dans une cellule stratégique de négociation.

Blandine Dumas (29 ans)
Fille d’un ancien inspecteur général des finances. Passée par HEC et l’ENA, elle pilote une réforme RH à la direction interministérielle du numérique.

Armand Cazeneuve (37 ans)
Fils d’un préfet de zone Sud-Ouest. Haut cadre dans un cabinet ministériel régalien, il gère les arbitrages sensibles.

Claire Bensaïd (32 ans)
Fille d’un conseiller maître à la Cour des comptes. À la Haute Autorité pour la transparence, elle traite des conflits d’intérêts d’État.

Romain Delmas (42 ans)
Fils d’un ambassadeur. Responsable des relations bilatérales avec l’Europe centrale au Quai d’Orsay.

Inès Crozet (31 ans)
Fille d’une ex-directrice de l’ENA. Cadre au ministère de la Transition écologique, elle a aussi travaillé à l’OCDE.

Hugo Pinteaux (33 ans)
Fils d’un magistrat financier. Spécialiste de fiscalité, il œuvre à la Direction de la législation fiscale de Bercy.

Léa Flandrin (34 ans)
Fille d’un préfet des DOM. Directrice adjointe à la DGCL, elle incarne la haute fonction publique territoriale.

Julien Beaudoin (36 ans)
Petit-fils d’un haut fonctionnaire à Matignon. Chef de cabinet de plusieurs directeurs d’administration centrale.

Axelle Chevassus (29 ans)
Fille d’un diplomate à l’UNESCO. Analyste stratégique au SGDSN, issue de l’ENS et de l’IFRI.

Vincent Douillet (39 ans)
Fils d’un président de chambre au Conseil d’État. Chargé d’une mission interministérielle de réforme administrative.

Nolwenn Reboul (30 ans)
Fille de deux hauts fonctionnaires. En poste à l’AFD, entre diplomatie verte et stratégie financière.

Mathias de Saint-Jores (40 ans)
Issu d’une lignée de magistrats. Directeur juridique dans une agence nationale.

Sarah Deniau (32 ans)
Fille d’un directeur d’administration pénitentiaire. En poste à la Chancellerie, elle connaît le système carcéral de l’intérieur.

Adrien Goulard (37 ans)
Fils d’un membre du Conseil constitutionnel. Il dirige le pôle doctrine au sein du ministère de la Justice.

Clémence Halimi (28 ans)
Fille d’un directeur de cabinet. Sous-préfète, elle a gravi rapidement les échelons dans les services de l’État.

Tristan Bismuth (36 ans)
Fils d’un conseiller au FMI. Haut fonctionnaire à l’Inspection générale des finances.

Camille Thorel (33 ans)
Fille d’une conseillère sociale à Matignon. Spécialiste des politiques de santé publique au ministère de la Santé.

Anaïs Varenne (31 ans)
Fille d’un ambassadeur et d’une juriste AFD. Diplomate sur les enjeux climatiques entre Paris et Bruxelles.

Florent Kazarian (34 ans)
Fils d’un cadre de la DGSE. Responsable des affaires industrielles stratégiques au ministère des Armées.

Raphaëlle Stora (38 ans)
Fille d’un historien du CNRS. Elle coordonne la mémoire publique au ministère de la Culture.

Sandro Ferracci (35 ans)
Fils d’un juriste influent du droit social. Conseiller ministériel dans plusieurs gouvernements.

Emilie d’Ornano (29 ans)
Issue d’une famille corse de hauts fonctionnaires. Inspectrice des affaires sociales.

Lionel Lépine (40 ans)
Fils d’un ambassadeur. Chef du protocole dans une grande institution européenne.

Trente figures. Trente trajectoires. Trente illustrations d’un pouvoir feutré. Leur force ? Être parfaitement normaux… au sein d’un entre-soi extraordinairement homogène.


Postface : la France, ce pays qui râle… mais lit tout

Peut-être faut-il finir sur une note toute française. Car qui, sinon nous, aurait l’élégance de critiquer si finement une élite dont nous rêvons parfois en secret de faire partie ? Les Français sont ainsi faits : éternels râleurs, prompts à dénoncer le système… tout en analysant ses rouages avec un appétit presque affectueux. Les nepo babies nous fascinent parce qu’ils nous irritent, et nous irritent parce qu’ils incarnent cette promesse dérobée d’un pouvoir dont nous sommes exclus, mais que nous observons avec cette ironie dont seuls les peuples profondément lettrés sont capables.

Et après tout, si nous parlons tant de népotisme, c’est peut-être parce que nous n’avons toujours pas digéré d’avoir raté l’ENA… ou pire : de n’avoir jamais tenté le concours.

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