FCPA : la loi américaine qui piège les industriels étrangers

FCPA Alsthom
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Temps de lecture : 24 minutes

1. Le cas Alstom – Condamnation pilotée pour dépecer un champion français

En décembre 2014, Alstom, fleuron industriel français, a été condamné à verser 772 290 000 $ pour avoir corrompu des responsables publics à hauteur de 75 M $, via des consultants surnommés « Mr Geneva », « Mr Paris », « Quiet Man ». Officiellement, l’affaire relève du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), mais la sévérité des sanctions, l’arrestation de Frédéric Pierucci – retenu à New York dès avril 2013 – et l’imbrication immédiate avec la revente des actifs Power à GE ont jeté le doute : serait-ce une stratégie d’acquisition juridique ?

Les critiques ne viennent pas uniquement de la sphère économique. En France, plusieurs anciens hauts fonctionnaires de Bercy ont témoigné, sous couvert d’anonymat, d’une pression diplomatique américaine accrue dès 2012. « L’affaire Alstom n’a pas été montée en épingle, elle a été patiemment préparée, au rythme des échéances industrielles », déclare l’un d’eux. L’objectif : provoquer une situation d’asphyxie judiciaire, rendant inévitable la cession des actifs énergétiques.

En parallèle, la Commission européenne n’a jamais réellement investigué le rachat, malgré la sensibilité stratégique des technologies concernées. Pourquoi ce silence ? Parce que, dans un contexte post-crise de 2008, l’Europe manquait cruellement d’une doctrine industrielle commune. Les États-Unis, eux, en avaient une – et l’appliquaient avec constance.

2. Arsenal légal américain – une arme géopolitique avant tout

Le FCPA, promulgué en 1977, visait initialement à limiter les pratiques de corruption internationale des entreprises américaines. Mais à partir des années 2000, et surtout après le Patriot Act, son application devient globale. Il suffit qu’un e-mail passe par un serveur américain, qu’un virement transite via une banque US ou qu’une réunion ait lieu sur le sol américain pour que le DOJ puisse se déclarer compétent.

Cette stratégie repose sur trois piliers :

  • L’usage systématique de la menace judiciaire pour forcer à la coopération ou à la restructuration.
  • L’effet de sidération créé par des amendes records et des arrestations spectaculaires.
  • La possibilité d’accords confidentiels permettant de contrôler les termes du règlement sans publicité excessive.

Ce modèle a inspiré d’autres pays (Royaume-Uni avec le Bribery Act, France avec la loi Sapin II), mais reste unique par sa combinaison d’agressivité et de finesse diplomatique. Le DOJ agit comme un levier de la politique étrangère, en toute légalité formelle.

3. Un modus operandi bien rôdé

Depuis les années 2000, les États-Unis ont perfectionné une mécanique d’ingérence économique via le FCPA. Voici les étapes typiques observées :

  1. Ciblage stratégique d’entreprises clés dans l’énergie, les transports ou l’armement.
  2. Détection d’irrégularités par croisement bancaire, audit, coopération judiciaire internationale.
  3. Arrestation surprise d’un cadre – méthode coercitive symbolisée par le cas Pierucci.
  4. Pression judiciaire extrême : menaces d’amendes >500 M $, campagnes médiatiques, paralysie commerciale.
  5. Revente ou absorption des actifs à bas prix à des groupes américains, dans le silence des institutions européennes.

En parallèle, les médias américains contribuent à renforcer la légitimité morale de ces actions, en encadrant l’affaire sous l’angle d’une lutte pour l’éthique. Pourtant, rares sont les condamnations individuelles de dirigeants américains dans ces grandes opérations d’influence.

Ce mécanisme est aujourd’hui documenté par le livre The American Trap, les archives du DOJ et les analyses de fcpaprofessor.com. Des think tanks comme le Center for a New American Security décrivent ce type de « guerre hybride économique » comme une nouvelle doctrine de sécurité nationale.

4. Nouveaux événements 2025 – Les révélations s’accumulent

En mars et juin 2025, plusieurs fuites confirment que l’affaire Alstom fut moins un dossier judiciaire qu’un coup stratégique. Parmi les éléments les plus accablants :

  • Un ancien procureur fédéral a révélé anonymement au Financial Times que « l’objectif implicite de l’affaire Alstom était d’empêcher une fusion avec Siemens », considérée comme dangereuse pour les intérêts américains.
  • Des échanges internes entre des juristes du DOJ et des membres de General Electric ont été rendus publics via PACER, évoquant la stratégie de « containment industriel européen ».
  • Un ancien cadre dirigeant d’Alstom USA, aujourd’hui reconverti dans le conseil en conformité, a confirmé avoir été incité à « collaborer avec les repreneurs américains dans l’intérêt d’une résolution rapide ».

Ces révélations, relayées dans plusieurs rapports d’investigation de ICIJ et du Wall Street Journal, nourrissent une suspicion croissante : la justice américaine serait mobilisée comme vecteur d’expansion industrielle.

5. Tableau comparatif – Les grandes cibles du FCPA

EntrepriseAmende FCPA USNature de l’affaireConséquences industrielles
Alstom (France)772 M $Contrats en Indonésie, Égypte, TaïwanVente à GE, perte de souveraineté énergétique
Airbus (Europe)582 M $ (sur 4 Mds)Commissions occultesRenforcement de Boeing, restructuration interne
Siemens (Allemagne)800 M $Corruption institutionnaliséePerte de marchés aux États-Unis, démantèlement d’équipes
Rolls-Royce (UK)170 M $Usage d’intermédiaires tiers dans des appels d’offreÉrosion concurrentielle, montée en puissance de Pratt & Whitney
Daimler (Allemagne)185 M $Réseaux de paiements illicitesRecul face à Tesla sur le marché nord-américain

6. Conclusion : le FCPA, cheval de Troie industriel

Le FCPA n’est plus seulement une loi anticorruption : il est devenu une méthode codifiée de domination stratégique. Son efficacité tient à sa légalité apparente, à son universalité d’application, et à sa capacité à provoquer la dislocation silencieuse de champions industriels étrangers.

Avec l’affaire Alstom, les États-Unis ont démontré qu’un arsenal juridique peut remplacer un bras de fer diplomatique. L’usage du droit comme arme économique ouvre une ère nouvelle où la frontière entre justice et guerre industrielle devient floue.

En 2025, alors que d’autres groupes européens sont dans le viseur du DOJ, la question n’est plus : « Cela peut-il se reproduire ? » mais bien : « Qui sera la prochaine cible ? ».

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