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En mai dernier, Gérald Darmanin lançait une alerte : le trafic de drogue a infiltré jusqu’au plus petit village de France. Beaucoup y ont vu une posture politique. Jusqu’à ce qu’un laboratoire de méthamphétamine lié au cartel de Sinaloa soit découvert en pleine campagne varoise. Une bascule. L’infiltration est réelle. Et elle concerne toute l’Europe.
Sommaire
- Une alerte politique… prise au sérieux
- Le cartel de Sinaloa, installé en Provence
- Pourquoi les cartels visent désormais l’Europe
- Ports, mafias, mineurs : la mécanique logistique de la drogue
- Des enfants nord-africains utilisés comme mules
- L’Europe face à une menace organisée
Une alerte politique… prise au sérieux
Le 18 mai dernier, dans le podcast LEGEND, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin déclarait : « Même dans le plus petit village de France, on trouve désormais de la cocaïne et du cannabis. » Une phrase aussitôt critiquée comme une exagération électoraliste en vue de 2027. Pourtant, quinze jours plus tard, un laboratoire de fabrication de méthamphétamine était démantelé à Le Val, commune tranquille du Var. Le cartel mexicain de Sinaloa y opérait sa toute première base officielle en France. Une onde de choc.

Le cartel de Sinaloa, installé en Provence
Ce laboratoire clandestin, dissimulé dans une luxueuse villa, aurait été mis en place par des chimistes mexicains arrivés en France dès 2023. Leur mission : installer une chaîne de production, former des locaux, puis se retirer. Selon la police judiciaire française, il s’agit d’une stratégie méthodique d’implantation, directement inspirée des pratiques sud-américaines.
Quelques mois plus tôt, c’est en Espagne que 27 membres de la MS-13 – gang né à Los Angeles et désigné organisation terroriste par l’administration Trump – étaient arrêtés à Madrid. Là aussi, une volonté d’enracinement européen se dessine.
Pourquoi les cartels visent désormais l’Europe
Pression américaine accrue, faiblesse des législations européennes, et marché lucratif : trois raisons qui expliquent ce basculement géographique. Le retour de Donald Trump au pouvoir a réactivé la guerre contre la drogue, avec pressions sur la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum pour coopérer avec le DEA.
Selon l’Agence européenne des drogues (EUDA), le marché illicite européen pèserait désormais plus de 31 milliards d’euros, avec la cocaïne en tête des revenus. Le gramme de coke se vend en moyenne 2 à 3 fois plus cher en France qu’aux États-Unis. De quoi attiser toutes les convoitises.

Ports, mafias, mineurs : la mécanique logistique de la drogue
Pour faire transiter les cargaisons de cocaïne depuis l’Amérique latine, les cartels exploitent les ports d’Anvers, de Rotterdam et de Galice, avec la complicité d’employés portuaires corrompus. Des techniques dignes de la CIA : conteneurs fantômes, cavaliers infiltrés, méthode du cheval de Troie… On estime que plus de 300 tonnes de cocaïne entrent chaque année sur le Vieux Continent.
À terre, la distribution est assurée via des alliances entre les cartels mexicains et les réseaux européens existants : la ‘Ndrangheta calabraise, la Mocro Maffia néerlando-marocaine, le clan Kinahan irlandais ou encore le cartel des Tito et Dino dans les Balkans. Ce maillage criminel fait de l’Europe une nouvelle plaque tournante mondiale.
Des enfants nord-africains utilisés comme mules
Plus grave encore : selon un rapport de l’Europol publié en mars 2025, des centaines de mineurs marocains et algériens non accompagnés sont utilisés comme mules, revendeurs et éclaireurs.
Le Guardian cite des cas documentés en Belgique, Espagne, France, Suède et Pays-Bas. Ces jeunes, sans papiers et désespérés, sont manipulés à grande échelle. « C’est une exploitation industrielle », confie un officier de police français sous couvert d’anonymat. À Marseille, Nîmes ou Nantes, ces enfants servent de main-d’œuvre invisible à une guerre qui gangrène la société.

L’Europe face à une menace organisée
Le narcotrafic européen n’est plus une extension du crime sud-américain : il est devenu un système à part entière, sophistiqué, transnational, et en voie d’autonomisation. La France, comme ses voisins, est désormais confrontée à une criminalité mondialisée, structurée, technologiquement avancée et intégrée aux flux logistiques légaux.
Ce constat pose une question stratégique majeure : l’Union européenne est-elle prête à traiter les cartels comme une menace sécuritaire à part entière, avec la même intensité que le terrorisme islamiste ou la cyberguerre ? En l’état, la réponse est non.
Mais chaque laboratoire découvert, chaque enfant utilisé, chaque kilo saisi, chaque port infiltré vient rappeler une évidence : la guerre de la drogue ne se joue plus à Medellín ou Tijuana. Elle se joue à Anvers, à Nîmes, à Le Val. Et elle fait déjà des morts.