Un méga-projet technologique mis sur pause
Microsoft a annoncé lundi 7 avril la suspension de son ambitieux projet de centres de données dans l’Ohio, d’une valeur estimée à 1 milliard de dollars. Ce plan, dévoilé en 2024, devait permettre à la firme de Redmond de construire trois campus technologiques à New Albany, Heath et Hebron, et de créer plus de 400 emplois dans le secteur du bâtiment, ainsi que des centaines de postes à temps plein.
La décision intervient alors que l’administration Trump vient d’imposer une série de droits de douane massifs sur les équipements technologiques importés, affectant directement les coûts de construction de telles infrastructures.

Un coup dur pour l’infrastructure cloud et l’intelligence artificielle
Les trois centres étaient censés renforcer les capacités de Microsoft Azure, alors que la demande mondiale pour le cloud computing et l’IA générative explose. Pourtant, Microsoft a confirmé avoir abandonné temporairement des projets représentant 2 gigawatts de capacité électrique aux États-Unis et en Europe ces six derniers mois, selon une analyse de TD Cowen.
Trump, les tarifs douaniers et la stratégie protectionniste
Le 3 avril, Donald Trump a annoncé l’entrée en vigueur de droits de douane allant jusqu’à 34 % sur certains fournisseurs technologiques :
• 34 % sur les équipements provenant de Chine
• 32 % sur Taïwan
• 25 % sur la Corée du Sud
• Un tarif plancher de 10 % sur toutes les importations
Bien que les semi-conducteurs soient temporairement exemptés, un haut responsable de la Maison-Blanche a laissé entendre que des tarifs ciblés sur les puces électroniques pourraient être annoncés prochainement.

L’impact sur les GAFAM et la relocalisation forcée
Selon Gil Luria, analyste chez D.A. Davidson, « les équipements destinés aux centres de données vont devenir beaucoup plus chers, ce qui pousse Microsoft à ralentir ses ambitions ». Il ajoute :
« On observe un rééquilibrage des dépenses vers l’approvisionnement stratégique plutôt que l’expansion. »
D’autres géants comme Amazon, Meta et Alphabet (Google) ont aussi commencé à revoir leurs plans d’investissement, optant pour des stratégies de désengagement progressif dans certaines régions à haut risque tarifaire.
La stratégie de Microsoft : réduire la voilure sans rompre le contrat
Malgré la suspension du projet, Microsoft a assuré qu’elle respecterait ses engagements financiers locaux, notamment en matière de :
• Financement des infrastructures routières
• Amélioration des services publics
• Préservation des terrains agricoles
Un symbole des tensions entre Big Tech et politique protectionniste
Cette décision illustre les conséquences directes des tensions commerciales relancées par Trump sur le secteur technologique. Après avoir été critiqué pour ses dépenses massives en IA, Microsoft semble désormais adopter une posture plus prudente, guidée par l’incertitude politique et les coûts croissants des composants importés.
Selon Abhishek Singh, expert en stratégie technologique chez Everest Group :
« Les grandes entreprises vont redéployer leurs investissements vers des circuits d’approvisionnement alternatifs et un repositionnement géographique. »
Conclusion : vers une reconfiguration du cloud à l’américaine ?
Alors que les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance aux chaînes d’approvisionnement asiatiques, les grands groupes technologiques doivent adapter leurs priorités. Le projet de l’Ohio, censé incarner la souveraineté numérique américaine, devient ainsi une victime collatérale d’une stratégie économique plus large : celle d’un nationalisme technologique assumé.
À suivre dans les prochains mois : la réponse de Microsoft… et celle des autres géants de la Silicon Valley.