Des institutions baptistes auraient fait la promotion des châtiments corporels envers des enfants et se seraient faites « complices » des violences du pasteur Claude Guillot en gardant le silence, soutiennent des victimes dans la foulée de leur action collective.
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Le recours collectif contre le pasteur Claude Guillot, les Églises baptistes de Victoriaville et de Québec ainsi que leur association provinciale a franchi une nouvelle étape, hier, avec le dépôt de la demande introductive d’instance.
Un nouveau co-requérant pilote désormais cette action collective, qui perdure depuis quatre ans (voir autre texte plus bas).
Dans le document d’une trentaine de pages dont nous avons obtenu copie, les demandeurs accusent les institutions baptistes d’avoir été informées dès les années 1980 des abus perpétrés par le pasteur Guillot, sans le dénoncer.
Ce silence lui aurait permis de poursuivre et d’aggraver ses châtiments aux enfants qu’il avait sous sa responsabilité, soutiennent les victimes.
Pire, ces organisations auraient « enseigné et fait la promotion de méthodes éducatives dangereuses », notamment des châtiments corporels sur des enfants à l’aide d’un objet contondant, allèguent les requérants, qui font état d’une « dérive » qui a pris racine au sein du mouvement évangélique baptiste.
« […] Cette dérive a fait de ce milieu un endroit dangereux pour les enfants où un agresseur a été protégé par des institutions de ce mouvement, au détriment des enfants qui, eux, méritaient d’être protégés », peut-on lire dans la demande introductive d’instance.
Églises-écoles
Ce document permet d’en apprendre aussi davantage sur le parcours de Claude Guillot au sein du mouvement baptiste.
Il a d’abord été superviseur de l’église-école baptiste la Bonne Semence, à Victoriaville, en 1982. Dans cet établissement, les « méthodes éducatives » autorisées incluaient « toutes sortes de châtiments corporels, notamment des coups de palette de bois sur des enfants de tout âge, dont certains d’âge préscolaire ».
En mai 1984, Claude Guillot aurait été congédié parce qu’il était jugé « trop extrême par l’Église de Victoriaville ». Personne n’aurait dénoncé les abus de Guillot, qui a plutôt joint les rangs de l’Église Chauveau, à Québec, en 1985. Quatre ans plus tard, il intégrait l’Église Québec-Est, où il a été ordonné pasteur en 1992.
À l’automne 1999, Guillot et Québec-Est auraient mis en place une église-école, au domicile du pasteur. Le religieux enseignait à de jeunes fidèles, certains d’entre eux étant pensionnaires.
Les corrections physiques et les conséquences y auraient toutefois été sévères. Claude Guillot pouvait entre autres frapper les jeunes, en plus d’exercer un contrôle sur leur sommeil ainsi que la quantité d’eau et de nourriture consommée.
Les autorités ont mis fin aux activités de cette école clandestine en 2015.
Ils réclament chacun 2 M$
Les co-requérants réclament désormais chacun 2 M$, en plus d’une indemnisation « substantielle » aux autres membres du groupe pour les dommages et souffrances subis.
Notons que les allégations soutenues dans la demande introductive d’instance n’ont pas encore été prouvées devant le tribunal, dans le cadre de l’action collective.
Au criminel toutefois, le religieux de 71 ans a été reconnu coupable en avril dernier de 18 chefs d’accusation pour avoir imposé des châtiments corporels à cinq jeunes qu’il devait éduquer, à Québec et à Victoriaville, entre 1982 et 2014. Il est en attente de sa peine.
EXTRAITS DE LA DEMANDE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
« La complaisance, le silence et la négligence de ces institutions ont permis aux abus du défendeur Claude Guillot […] sur les enfants de survenir, de continuer et de s’aggraver, causant ainsi de graves préjudices aux enfants abusés. »
« Que Guillot ait été jugé trop extrême par l’Église Victoriaville, alors qu’elle-même prônait de frapper des enfants aussi jeunes que 8 mois, illustre bien le caractère fanatique et dangereux de Guillot et permet de considérer l’horreur que les enfants qui lui ont été confiés au fil des années ont pu vivre. »
« Par son silence et son inaction, l’Église Victoriaville a été complice des abus commis par Guillot et elle a permis que ces abus se continuent envers d’autres enfants, notamment à Québec. »
« Les abus dont les membres du groupe ont été victimes à Québec ont été faits au vu, au su et avec l’approbation des membres de l’Église Québec-Est, dont Guillot était le président. »
« L’Église Québec-Est n’a jamais dénoncé aux autorités compétentes les abus dont les membres du groupe ont été victimes. [Elle] a été complice des abus commis par Guillot et elle a permis que ces abus se continuent envers les enfants. »
« Cette culture du silence favorise la protection des abuseurs, au détriment des victimes membres du groupe, en l’espèce des enfants mineurs. »
« Malgré cette connaissance des abus commis envers des enfants, l’Association a donné à Guillot sa bénédiction et un statut de pouvoir en l’ordonnant pasteur de l’Église Québec-Est permettant ainsi aux abus de se continuer et de s’aggraver, au détriment des enfants membres du groupe. »
Enfin libéré du recours après des mois d’attente
Il a fallu neuf mois pour que Josh Seanosky puisse finalement quitter son rôle de co-requérant dans l’action collective visant le pasteur Claude Guillot, qui, elle, s’étire depuis déjà quatre ans.
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Dans la foulée de nos révélations entourant les lacunes du système judiciaire, notre Bureau d’enquête a exposé en juin dernier l’histoire de Josh Seanosky, qui pilotait depuis 2018 le recours collectif contre le pasteur Guillot et trois organisations baptistes.
En parallèle, celui qui a été abusé par Claude Guillot de 2001 à 2014 est aussi impliqué depuis sept ans dans le dossier au criminel.
Reconnu coupable en avril dernier d’avoir imposé des sévices physiques et psychologiques à des jeunes qu’il devait éduquer, le pasteur est toujours en attente de sa peine.
Désabusé par les longs délais et insatisfait de la tournure que prenait le recours collectif, Josh Seanosky a demandé l’automne dernier de se retirer de cette procédure.
Les requêtes ont été déposées. Et le tribunal lui a finalement donné le feu vert, hier.
Le relais
Un autre homme, qui affirme avoir subi des abus physiques et psychologiques en plus de harcèlement sexuel de la part de Guillot, prend le relais.
Il a fréquenté l’école-église de Québec, où il a été pensionnaire de 2004 à 2014, selon la demande introductive d’instance.
Il rejoint à titre le second
co-requérant, qui, selon la demande introductive d’instance, a fait l’objet « d’agressions physiques systématiques et répétées » du pasteur dans les années 1980, à l’école La Bonne Semence de Victoriaville, alors qu’il avait entre 4 et 6 ans.
Mise en demeure
Libéré de l’action collective, Josh Seanosky n’en a toutefois pas fini avec la justice.
Le jeune père de famille a personnellement mis en demeure hier Claude Guillot ainsi qu’une douzaine de dirigeants, d’administrateurs et d’associations baptistes pour la somme de 5 M$.
Il soutient que les sévices imposés durant 13 années par le pasteur ont eu pour effet de le « réduire à un état de détresse et d’impuissance extrêmes » avec détérioration de ses fonctions « psychiques, émotionnelles et comportementales », peut-on lire dans la lettre, dont nous avons obtenu copie.