FRANCE 2 – JEUDI 13 OCTOBRE À 23 HEURES – DOCUMENTAIRE
Le 23 novembre 2010, le président de la République, Nicolas Sarkozy, reçoit à déjeuner, à l’Elysée, Michel Platini, président de l’Union des associations européennes de football (UEFA), en présence du prince héritier (et actuel émir) du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, et du premier ministre qatari. De quoi ont discuté les convives, quelques jours avant la désignation, le 2 décembre 2010, de l’émirat gazier comme pays hôte de la Coupe du monde 2022 de football ?
Après huit mois d’une enquête très fouillée, s’appuyant sur de nombreux documents judiciaires, le magazine « Complément d’enquête », en collaboration avec la cellule investigation de Radio France, apporte de nouveaux éléments sur le rôle présumé de la France dans l’attribution du Mondial à l’émirat, qui fera l’objet d’une information judiciaire ouverte en 2019 pour « corruption » par le Parquet national financier.
Pourquoi l’influent Platini a-t-il finalement voté pour l’émirat ? A-t-il obtenu des contreparties ? Nicolas Sarkozy a-t-il « monnayé » le soutien de la France en échange du rachat par Qatar Sports Investments du Paris Saint-Germain, alors détenu par le fonds Colony Capital de son ami Sébastien Bazin, actuel PDG du groupe Accor ?
Une note de la cellule diplomatique de l’Elysée de novembre 2010, rédigée avant le déjeuner à l’Elysée et consultée par « Complément d’enquête », éclaire l’affaire d’un jour nouveau : parmi les sujets à l’ordre du jour de cette réunion figuraient la candidature du Qatar au Mondial ainsi que « la vente de systèmes de défense antimissiles » et « la vente d’avions de combat », (des Rafale de Dassault).
Conseillère sports de M. Sarkozy à l’Elysée, autrice de notes sur l’attribution du Mondial 2022 à l’attention du chef de l’Etat, l’ancienne députée Sophie Dion (LR) nie toute collusion avec le Qatar mais admet avoir touché 13 000 euros dans le cadre d’un contrat de consultante de 52 000 euros signé avec l’émirat en février 2012, alors qu’elle officiait encore à l’Elysée.
Envers du décor
Parmi les indices exhumés par le réalisateur Pierre-Stéphane Fort figurent aussi des messages envoyés par Sébastien Bazin à des proches, évoquant les « messages-clés » transmis à Nicolas Sarkozy avant le déjeuner du 23 novembre 2010 et un « deal » avec le Qatar.
Muni d’une minuscule caméra, Pierre-Stéphane Fort a, par ailleurs, filmé l’envers du décor des préparatifs de ce Mondial : les images sont éloquentes. Avec l’aide de travailleurs migrants, il s’est rendu dans la zone industrielle de Doha, où il a constaté l’insalubrité – le mot est faible – des locaux dans lesquels logent les ouvriers.
L’accent est mis sur les pratiques contestables d’un sous-traitant prestataire de sécurité d’Accor, Al Bateel Security, et sur un des sept prestataires de l’hôtel Al Messila de Doha (où sera logée l’équipe de France durant la compétition) pour le traitement indigne infligé à ses salariés.
« S’il n’y avait pas eu le foot, cela aurait été pire, nettement pire », estime le président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët. Juste avant la diffusion du documentaire, la FFF a finalement décidé « d’envoyer une mission spécifique pour vérifier sur place que l’ensemble des prestataires respectent les droits sociaux ».
Qatar 2022 : un scandale français ?, documentaire de Pierre-Stéphane Fort et Nicolas Bellot (Fr., 2022, 52 min). Diffusé dans le cadre du magazine « Complément d’enquête », sur France 2, en collaboration avec la cellule investigation de Radio France.