Le feuilleton Editis est digne d’un polar. Second groupe éditorial français, il abrite des maisons prestigieuses comme Le Robert, Bordas, Plon, Pocket, 10/18 et affiche un chiffre d’affaires de 856 millions d’euros ce qui le place au 24ème rang mondial selon Livres Hebdo. Mais son propriétaire, Vivendi, a pris l’an dernier le contrôle d’Hachette, 1er éditeur français et 6ème mondial. La Commission européenne voit donc d’un très mauvais œil une éventuelle fusion entre les deux groupes qui pourrait constituer une position dominante dans l’édition. Vincent Bolloré, patron de Vivendi a donc décidé de se défaire d’Editis. La liste des repreneurs devait initialement être présentée le 22 décembre. Mais la date a été repoussée à la fin du mois de janvier.
Vivendi souhaite céder Editis selon un schéma dit de « distribution-cotation » en deux étapes. La première prévoit la vente des 29,6 % détenus personnellement par Vincent Bolloré. La seconde de mettre en Bourse le capital restant qui sera distribué aux actionnaires de Vivendi. Parmi les candidats au rachat selon ce mode de cession dont les offres sont aujourd’hui examinées par les banques d’affaires en charge du dossier, figurent le groupe français de presse Reworld Media, le leader italien de la presse magazine Mondadori et les hommes d’affaires Xavier Niel (Iliad/Free), et Daniel Kretinsky (Czech Media Invest). Rodolphe Saadé (CMA-CGM), souvent cité comme potentiel repreneur, a lui fait savoir, mercredi, qu’il n’avait pas fait d’offre.
Mondadori candidat
Mondadori a renforcé sa position de numéro 1 en Italie en rachetant RCS MediaGroup, un autre groupe italien, en 2015. 35ème mondial avec un chiffre d’affaires de 465 millions d’euros, il affirme avoir la capacité financière de racheter Editis, quasiment deux fois plus gros que lui. Reworld Media (241 millions d’euros de chiffre d’affaires), est essentiellement un groupe de media. Le rachat d’Editis serait, pour ce groupe, un changement stratégique majeur. Il possède des fonds propres de plus de 164 millions d’euros qui devraient lui permettre d’assurer le financement de l’opération. Daniel Kretinsky, le milliardaire tchèque propriétaire de CMI France (Elle, Marianne, Franc-Tireur) est ouvertement candidat « mais Bolloré n’aime pas vendre à ceux qu’il ne connaît pas » glisse un proche. Le groupe suédois Bonnier, 29ème mondial avec un chiffre d’affaires de 675 millions d’euros, a également été évoqué mais, selon une source proche du dossier, il ne serait plus dans la course.
Le dossier pourrait bientôt rebondir
Le feuilleton pourrait très bientôt rebondir si la Commission européenne n’accepte pas le schéma de « distribution-cotation » et exige une vente de 100% d’Editis. Dans ce cas, Vivendi devra au plus vite relancer un appel d’offres et se retrouvera dans une position différente nettement moins favorable face aux potentiels repreneurs. Le ticket sera en effet plus élevé et le groupe pourrait être forcé d’accepter une moins-value par rapport au prix d’acquisition de 829 millions d’euros fin 2019. En revanche, l’opération sera plus simple et plus rapide à réaliser. Stéphane Courbit, qui détient le groupe de production audiovisuelle Banijay et les paris sportifs Betclic, serait alors candidat au rachat des 100% mais ne serait pas candidat au rachat des 30%. Proche de Bolloré, il apparaît comme un candidat sérieux même si rien n’a été officiellement confirmé à ce jour. Et d’autant que début décembre, la commission européenne avait lancé une enquête approfondie dans la crainte que Vivendi n’organise sa propre concurrence, par la construction d’un duopole « amical ».
Malgré cette incertitude sur l’identité de son futur actionnaire, la direction d’Editis est restée active ces derniers temps : le groupe a poursuivi ses initiatives notamment en décembre avec le lancement de deux nouvelles maisons d’édition, Saaraba au Sénégal et Gründ au Québec.