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« Neutre en carbone », la mention sera interdite, mais pas trop

Campagne ARPP contre le greenwashing.



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C’est une mesure qui est censée mettre un coup d’arrêt à l’écoblanchiment (greenwashing). A partir du 1er janvier 2023, il sera interdit d’inscrire la mention « neutre en carbone » ou toute autre phrase similaire, sur la publicité d’un produit. Si la marque annonciatrice souhaite tout de même l’utiliser, alors il lui faudra le prouver rapport détaillé à l’appui, avec des éléments bien précis à fournir. « Il faut y inscrire un bilan des gaz à effet de serre produits, la compensation prévue, ses modalités et même une synthèse de la trajectoire de réduction de gaz à effet de serre planifiée sur les 10 années suivant sa commercialisation », détaille Magali Jalade, directrice juridique de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité.

Des mesures exigeantes sur le papier qui ne seront cependant pas contrôlées par l’organisme de surveillance de la publicité. « Notre autorité a un rôle préventif, de conseil aux médias et aux entreprises », confie Magali Jalade. D’après le décret du 13 avril 2022, qui consacre cette loi, ce sera le ministre chargé de l’Environnement qui aura la prérogative de sanctionner les entreprises ne respectant pas ces règles. Contacté, le ministère de la Transition écologique ne nous a pour l’instant pas informés des procédés et moyens qui seront mis en place pour assurer cette mission. Mais face à une tâche qui s’annonce d’ampleur –beaucoup de travail à venir et des ressources financières et humaines qui y seront affectées pour l’heure inconnues–, la capacité du ministère à l’exercer au mieux est questionnée par plusieurs experts.

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« Ce ne serait pas la première fois que le respect de la loi n’est pas contrôlable par les pouvoir publics, confirme Meryem Deffairi, avocate à la Cour, docteure en droit public et consultante pour le cabinet Alma Avocats. Beaucoup d’entreprises utilisent ces arguments, cela représente une charge de travail bien trop importante pour le ministère. » 

Des sanctions trop indulgentes

Sans compter que, pour l’avocate, les sanctions sont aussi trop peu contraignantes pour réellement dissuader les entreprises. « Les sanctions prévues sont de 20.000 euros maximum pour une personne physique, et 100.000 euros pour une personne morale, énumère la docteure en droit. On peut décemment imaginer qu’une grande entreprise inclut cette somme à son budget et continue ses campagnes comme elle le souhaite. » L’experte prend l’exemple d’une campagne de publicité pour un SUV. L’entreprise aurait remboursé son amende en quelques ventes seulement. 

Autre point d’interrogation: « La question de la temporalité se pose aussi ». Puisque la loi prévoit que le ministère informe l’entreprise de son infraction et la mette en demeure de corriger, si la sanction arrive après la publication de la campagne, le public sera déjà touché par le message litigieux, craint l’avocate. « De plus, la loi ne s’applique que sur les publicités pour les produits, et pas aux publicités corporate, poursuit Meryem Deffairi. Les entreprises qui se disent vertes pourront continuer de le faire. » 

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D’autant que pour qu’une entreprise soit en accord avec la loi, il suffit qu’un rapport, peu importe sa qualité, soit publié. « C’est certain, affirme l’avocate. C’est quelque chose qui se fait déjà beaucoup pour les rapports RSE par exemple. » Puisque les entreprises passent par des prestataires pour compenser leurs émissions de CO2, rien n’empêche ces derniers d’adapter leur offre à cette nouvelle contrainte, à savoir rédiger ce fameux rapport. « Certaines entreprises avec peu de scrupules vont sauter sur l’occasion si cela peut leur faire garder leur clientèle », s’agace Natacha Gondran, professeur à l’Institut Fayol de Mines de Saint-Étienne, spécialisée dans l’environnement. 

Cette loi pourrait donc avoir ses limites dans l’impact réel sur l’écoresponsabilité des entreprises. « Pour réellement être neutre en carbone, il faudrait mettre en place des évolutions structurelles », précise Natacha Gondran. « Cette loi s’applique en réalité à obliger les entreprises à une communication plus transparente, conclut Meryem Deffairi. Pas à une politique entrepreneuriale réellement neutre en carbone. » 

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