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Au pays du zouglou et du coupé-décalé, le rap ivoirien trace son sillon

Au pays du zouglou et du coupé-décalé, le rap ivoirien trace son sillon


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Le rappeur Didi B au Palais de la culture d’Abidjan, le 27 août 2022.

Après les années zouglou et le succès retentissant du coupé-décalé, le rap s’impose comme un nouveau genre musical de premier plan en Côte d’Ivoire et espère percer au-delà des frontières du pays. Au Palais de la culture, l’une des plus grandes salles de spectacle d’Abidjan, une longue file de plusieurs centaines de personnes s’étire, des heures avant le début d’un concert très attendu.

La star de la soirée s’appelle Didi B, « le Booba ivoirien », selon ses fans qui sont venus nombreux : le concert est à guichets fermés. « Il a placé la barre haut. Il y a beaucoup de monde dehors, il ne reste plus aucun ticket en vente, je pense que c’est le concert de l’année », décrit Beka, une fan d’une vingtaine d’années, impatiente de rencontrer son idole.

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Dans la queue, les jeunes entonnent en chœur l’air de En Haut, le dernier single du rappeur. Sorti quelques jours auparavant, le morceau cumule déjà plusieurs millions d’écoutes sur les plateformes de streaming.

Jusqu’à la fin des années 2010, le coupé-décalé prédominait largement le paysage musical en Côte d’Ivoire. Mais depuis la disparition dans un accident en 2019 de la star DJ Arafat, le rap gagne progressivement les cœurs. « Il y avait un gros vide à combler. Les petits du “Rap Ivoire” ont pris la place qui était vacante », analyse Sheku Tall, président du label Coast to Coast qui produit Didi B.

« Une identité atypique »

A la tête du plus grand label indépendant du pays, il est persuadé que la nouvelle génération d’artistes qu’il représente a le potentiel pour apporter des poids lourds de la musique à l’international. « Aujourd’hui, tout est connecté. Si la musique est bonne, elle passera partout », explique-t-il.

Plus qu’une appropriation des codes du hip-hop, les acteurs de la scène ivoirienne revendiquent une redéfinition des contours du rap et la constitution d’un sous-genre. « La scène du “Rap Ivoire” est particulièrement intéressante. Il y a des similarités avec le hip-hop et le rap, mais aussi des caractéristiques typiquement ivoiriennes », explique à l’AFP le spécialiste français du rap Jean Morel.

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« Les punchlines se concentrent plus autour de l’humour, une identité atypique dans la production avec des registres issus du patrimoine musical ouest-africain, et l’emploi du nouchi [argot ivoirien] qui permet d’inventer de nouvelles expressions et de nouvelles rimes », développe-t-il.

Détaché de la mauvaise réputation qu’il évoque parfois, le rap en Côte d’Ivoire ne cible pas un seul public. « Les rappeurs ivoiriens aiment “l’enjaillement” [amusement] et faire rire, il n’y a pas vraiment de thèmes spécifiques. Ici, c’est la musique de tout le monde », résume Alex Diby, fondateur du label Comme des Nouchis qui représente des artistes comme Tripa Gningnin et Jabber States.

« Toute une industrie se développe »

Et pour Alex Diby, la Côte d’Ivoire a une longueur d’avance sur ses voisins. « Je ne pense pas que la jeunesse des autres pays de l’Afrique de l’Ouest soit investie dans le rap comme en Côte d’Ivoire, affirme-t-il, Ici, beaucoup de jeunes font du rap et toute une industrie se développe autour d’eux. »

Et le milieu n’est pas exclusivement masculin : depuis un studio du quartier de Cocody, Andy S, rappeuse suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, affine ses rimes et son flow pour s’exporter hors d’Abidjan.

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Avec ses textes teintés d’egotrip et ses instrumentales sombres inspirées de la drill, un sous-genre du rap né dans les ghettos de Chicago, celle qui se décrit comme « la numéro un du rap » en Côte d’Ivoire espère séduire au-delà de son pays. « Je ne veux ni qu’on dise que je fais du “Rap Ivoire”, ni que je fais du rap féminin, c’est trop précis. Je ne veux être dans aucune case », se défend-elle.

Dans son viseur, la France et Paris où elle assure avoir des opportunités. Avec l’objectif de revenir plus tard au pays. « On voit ça avec des artistes nigérians, dont la carrière prend une autre dimension une fois qu’ils ont percé à Londres. Parfois, il faut un déclic ailleurs pour que les gens voient que tu as de la valeur », conclut-elle.

« Abidjan est en train de devenir un centre musical mondial, cette ville donne le ton à pas mal de choses. Il y a un pont qui s’est créé entre Paris et Abidjan un peu à la manière de celui entre Londres et Lagos », conclut Jean Morel.

Le Monde avec AFP

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