Hydro-Québec achète à très fort prix la puissance de sa propre filiale non réglementée, et pourrait bientôt refiler la facture à ses clients.
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La filiale d’Hydro-Québec, qui a pour but de mieux gérer les pointes de consommation, pourrait finir par coûter cher à l’ensemble des clients d’Hydro.
Lors des pointes critiques, Hilo peut préchauffer les résidences de ses abonnés et diminuer la température à distance à l’aide de thermostats intelligents, ce qui lui procure de la puissance à revendre.
En retour, l’abonné à ce service reçoit des récompenses d’Hilo. Plus grand est le nombre de maisons connecté, plus les kW s’additionnent pour Hilo, qui revend à fort prix ces économies d’énergie à Hydro-Québec en période de pointe.
Le hic, c’est qu’en moyenne, les gains réalisés par Hilo l’hiver dernier ont coûté 136 $ par kilowatt (kW), selon des informations obtenues par Le Devoir.
Les autres outils à la disposition d’Hydro, qui proviennent des clients résidentiels ou de la clientèle industrielle (comme les alumineries), ont coûté 60 $ ou moins par kW.
La facture aux clients d’Hydro
« Comme Hilo est une filiale, donc non réglementée par la Régie, elle fait ses profits aux dépens d’Hydro-Québec, et donc aux dépens des clients d’Hydro. Hilo va ainsi exercer une pression à la hausse sur l’ensemble de la clientèle », explique Jean-Pierre Finet, Analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie.
« Si Hydro-Québec paye 136 $ au lieu de payer 60 $, ça se répercute dans leurs dépenses. Et lorsqu’Hydro devra établir ses tarifs, qui seront basés en partie sur ses dépenses, ces coûts d’approvisionnement élevés vont se refléter dans les tarifs que les clients payent », ajoute Jocelyn Allard, de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE).
Échéance en 2024
« Si Hilo était une entreprise réglementée, comme c’est le cas avec Hydro-Québec qui vous fournit l’électricité, les profits ne seraient pas automatiquement transmis au gouvernement. Ils auraient plutôt un effet à la baisse sur les tarifs électriques payés par la clientèle », souligne Jean-Pierre Finet.
En ce moment, Hydro ne refile pas la facture directement aux consommateurs, car les tarifs sont limités à l’inflation. Mais en 2024, la société d’État va présenter ses coûts à la Régie, et c’est à ce moment que les coûts d’Hilo pourraient augmenter la facture des clients d’Hydro-Québec.
« Et 2024, ça arrive vite ! », rappelle Jocelyn B. Allard.
Peut-on s’attendre à des changements bientôt ?
« Pour le moment, nous allons procéder à une évaluation d’Hilo qui devrait durer trois mois », se contente d’affirmer le porte-parole Cendrix Bouchard.
Le PDG limogé
Sébastien Fournier, ancien PDG d’Hilo
Le PDG d’Hilo, Sébastien Fournier, a été remercié la semaine dernière, soit trois ans après le lancement de la filiale.
Hilo a beau faire des affaires d’or avec Hydro-Québec, elle n’a réalisé que la moitié de son objectif l’hiver dernier.
La filiale a généré un déplacement de puissance de l’ordre de 14 mégawatts (MW) au lieu des 28 MW anticipés auprès de la Régie de l’énergie.
« Sébastien Fournier a été remplacé à la suite d’une décision prise par Hydro-Québec de procéder au rapprochement de certaines activités de sa filiale Hilo et de procéder à l’analyse de son modèle organisationnel », nous a dit Hydro-Québec, qui refuse de dévoiler le montant de l’indemnité de départ de M. Fournier.
Hydro-Québec continue de croire au succès d’Hilo. La société d’État maintient son objectif d’utiliser Hilo pour dégager plus de 600 mégawatts (MW) de puissance en période de pointe dès 2029.
Hilo en bref
- Lancée en 2019
- But : aider les ménages à gérer leur consommation
- Employés : 150
- Hilo installe chez vous des thermostats et des interrupteurs intelligents. Lors des pics de demande, Hilo diminue votre chauffage en échange de récompenses. Hilo revend ces kilowattheures économisés à Hydro-Québec pour ses besoins.
Des doutes dès le départ à la Régie de l’énergie
Au moment de la création d’Hilo en 2019, Hydro-Québec a refusé d’aller en appel d’offres, préférant créer sa propre filiale.
On se souviendra que cette décision avait porté un dur coup aux entreprises québécoises de thermostats intelligents.
L’une d’elles, CaSa, a même dû déclarer faillite face à cette « concurrence déloyale ».
Un excès de confiance ?
Hydro-Québec disait à l’époque avoir confiance à sa filiale et ne sentait pas le besoin de vérifier si d’autres fournisseurs pouvaient remplir les services qu’Hilo devait rendre, et ce, à meilleur prix.
En 2019, alors que la Régie de l’énergie examinait le plan d’approvisionnement d’Hydro-Québec 2020-2029, il y avait eu dissidence de la part d’une régisseuse, Sylvie Durand, qui jugeait qu’Hydro devait aller en appel d’offres.
Un avis dissident
« Pour les motifs présentés ci-après, je suis d’avis qu’un contrat à long terme, pour l’achat de puissance résultant de la réduction des besoins de clients par des mesures de GDP, constitue un “contrat d’approvisionnement en électricité” au sens de la Loi et qu’en conséquence, l’entente conclue avec Hilo devait faire l’objet d’une procédure d’appel d’offres en vertu de l’article 74.1 de la Loi », peut-on lire dans le document de la Régie.
Manque de transparence
Jusqu’à tout récemment, il était impossible de connaître le coût facturé par Hilo à Hydro-Québec pour chaque kW en période de pointe.
Même le nombre de clients que possède Hilo à ce jour était une information cachée au public.
Pourquoi tant de secrets ?
« Ça a été une décision stratégique d’Hilo dès le départ. Nous avons fourni de l’information sur une foule de choses, et aujourd’hui on peut vous dire qu’Hilo compte 20 000 clients », répond Cendrix Bouchard, porte-parole d’Hydro-Québec.
