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Un tailleur de 81 ans toujours au boulot et en affaires depuis 1966

Un tailleur de 81 ans toujours au boulot et en affaires depuis 1966


Nul besoin de statistiques pour prouver que les Québécois ont engraissé pendant la pandémie. Il suffit de consulter Tony le tailleur, alias Tony Cecchini : « Les tours de taille font au moins un pouce de plus ». 

Du haut de ses 81 ans, l’Italien d’origine – il a quitté Teramo, dans les Abruzzes, pour Saint-Michel, à Montréal, quand il avait 16 ans – lance cette phrase, sourire en coin, dans un français impeccable au fort accent italien.

Bien installé dans une chaise capitaine de son commerce de la rue Bélanger, on sent qu’il en a beaucoup à dire après 56 années passées à confectionner des habits sur mesure.

« Avant, mes clients étaient pour la plupart des ouvriers qui s’achetaient un truc spécial. Aujourd’hui, ce sont des professionnels, des comptables, des avocats, des juges », observe celui qui n’a pas été vu sans son ruban à mesurer autour du cou depuis l’avènement de la télé couleur. 

Les affaires vont bien (+ 25 % de chiffre d’affaires depuis 18 mois). Les clients viennent de père en fils. 

« Je suis meilleur tailleur que vendeur. Je suis trop honnête », se targue l’octogénaire dans un rare écart à l’humilité. 

« Même si ça coûte pas mal plus cher à faire », ses habits se vendent toujours 795 $ ou plus, inflation ou non.

Plus ça change, plus c’est pareil

Ce magasin, cette pièce aux tissus en vrac au mur et à la musique italienne en sourdine, permet de voir le temps passer. De voir la mode changer.

« Même à la télé, ils ne la portent plus », déplore Tony au sujet de la cravate, pratiquement devenue un objet de musée. 

Les pantalons, eux, ont rétréci. 

« De 24 ou 25 pouces de large en bas avant, on est passé à 15 », mime-t-il en se massant le mollet pour bien appuyer le fait que le skinny, c’est serré.

Les habits, comme la télé, ont pris des couleurs. 

« Le bleu pâle, c’est le plus populaire. Le beige, le vert et surtout le bourgogne, on ne voyait jamais ça avant. Et maintenant, oh boy ! » s’emporte l’aîné. 

Ne le partez pas sur les chaussures ! 

« Tout le monde porte des running shoes avec son costume. Je veux bien, mais c’est plus facile de prendre les mesures avec une belle chaussure en cuir », peste le tailleur en feignant d’être épuisé. 

Car épuisé, il ne l’est qu’à moitié. 

« Je suis un homme libre, je n’ai pas de patron et j’aime ce que je fais », justifie le workaholic qui travaille encore 6 jours et demi sur 7, de 7 h à 17 h.

Le dimanche après-midi, il prend congé. Pour quoi faire ? « Dormir », dit-il sans broncher, sourire au coin des lèvres. 

À la manière d’un sport-étude

Il a appris son métier à 12 ans, à la manière d’un sport-étude. L’avant-midi, c’était école, et ensuite, hop chez le tailleur.

Depuis, il mesure, taille, coupe, coud, ajuste, réajuste. 

« Je n’ai pas le temps de jouer aux cartes avec les gens du quartier, j’ai 33 habits à faire qui m’attendent en arrière », lance-t-il le plus sérieusement du monde. 

En arrière, c’est la salle des machines, qui, toutes autant qu’elles sont, auraient pu figurer dans un film de Fellini. 

Ces objets sont pour ainsi dire les plus longues relations qu’entretient ce célibataire endurci.

« Mon travail me permet de continuer, sinon je serais à la maison à regarder la télé et à m’emmerder », avoue-t-il candidement. 

Le voyage dans le temps qu’offre Tony le tailleur ne s’en va nulle part. Le p’tit gars du quartier Saint-Michel sera, comme il l’est depuis 1966, dans son atelier de La Petite-Patrie jusqu’à la fin. En complet… et chaussures sport.



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