L’ONG suisse Trial célèbre cette semaine ses 20 ans de traque contre les crimes de guerre. En deux décennies, elle est devenue une véritable institution, qui a déjà représenté plus de 6600 victimes et participé à une cinquantaine de procès. Son directeur et fondateur Philip Grant était l’invité de Forum samedi, où il a notamment évoqué le cas de la guerre en Ukraine.
Attaques aveugles contre des zones peuplées de civils, massacre de Boutcha, utilisation d’armes à sous-munitions, ciblage de couloirs humanitaires. Depuis le début de la guerre, les accusations de crimes de guerre sont nombreuses à l’encontre de l’armée russe.
Pour Philip Grant, la situation actuelle doit permettre avant tout à la Suisse, mais également à de nombreux autres pays, de prendre la main et de commencer à juger ces comportements. « La Cour pénale internationale peut mener ce genre de procès, mais ce sont des procès qui sont longs, qui mobilisent énormément de ressources et d’énergie (…) A côté de cette Cour, les Etats ont aussi la capacité, même si les crimes ont été commis à l’étranger, d’arrêter, d’amener en jugement des auteurs d’atrocités », explique-t-il.
L’avocat ajoute qu’il s’agit surtout de « donner plus de moyens » à la justice, afin d’effectuer ces poursuites. Des compétences qui pourraient d’ailleurs d’après lui très vite servir: « j’ai lu qu’il y avait des membres du FSB (Ndlr. Services secrets russes) et du groupe Wagner qui commençaient à fuir, à se rendre à l’étranger et à demander l’asile. On ne sait pas du tout comment le conflit va tourner, et il faut se préparer à ça ».
>> Revoir le témoignage de Sébastien Faure sur le massacre de Boutcha:
« Sauvegarder les preuves »
Mais si certaines personnes pourraient rapidement tomber dans les mailles du filet de la justice suisse ou européenne, la poursuite de la guerre continue à entraver très nettement la justice.
Philip Grant en est pleinement conscient et estime qu’il faudra s’armer de patience. « La temporalité du droit n’est pas la même que celle des conflits (…). En ce qui concerne l’agression russe, c’est un travail qui va certainement durer des décennies », détaille-t-il.
« Mais il faut en tout cas documenter, sauvegarder les preuves, faire un travail de sensibilisation envers les victimes et tenter de commencer à constituer les dossiers. Ce n’est pas forcément aujourd’hui qu’on obtiendra la justice, mais il faut s’y préparer », conclut-il.
Propos recueillis par Tania Sazpinar
Adaptation web: Tristan Hertig