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« Nous sommes en plein dans une économie et une société du renoncement »

« Nous sommes en plein dans une économie et une société du renoncement »


Dans la famille Marx, Karl aurait sans doute pu le dire, mais rendons à Thierry la paternité de la citation : « En matière d’alimentation, le low cost, c’est une économie du renoncement. Vous renoncez à la qualité en échange de petits prix, c’est mortifère. » Le diagnostic du cuisinier engagé est juste : nous sommes en plein dans une économie, dans une société du renoncement.

Je renonce, tu renonces, il renonce, nous renonçons… Individuel et collectif, le « grand renoncement » est partout. Dans l’accès aux droits : plus d’un tiers des allocataires potentiels du RSA renoncent à en bénéficier. Trop compliqué, trop bureaucratique, trop stigmatisant. Dans l’accès aux soins : un Français sur deux déclare avoir renoncé à un rendez-vous chez un médecin, généraliste ou spécialiste. Trop d’éloignement, dans le temps et dans l’espace, au sein de nos déserts médicaux.

Dans l’abstention : plus de 50 % des Français ont renoncé à exercer leur droit de vote au premier et au second tour des élections législatives, en juin. Indifférents ou hostiles, pas intéressés et pas motivés en tout cas. Et comment auraient-ils pu l’être alors que la majorité présidentielle semblait elle-même avoir renoncé à faire campagne et à porter un projet politique identifié ? On ne sait si l’électeur détermine le politique ou l’inverse, mais en tout cas le renoncement participatif des gouvernés et le renoncement politique des gouvernants ont conjointement aggravé notre fatigue démocratique.

En renonçant à l’accès aux droits, aux soins, à la force du politique, nous perdons l’idée de progrès et nous renonçons à ce qui nous a faits si longtemps, à ce qui a tenu la nation, nous renonçons à nous. De Gaulle évoque, dans ses Mémoires, « le vide effrayant du renoncement général », après la défaite de 1940.

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La situation actuelle n’est évidemment pas comparable, mais il n’en demeure pas moins que l’inertie du politique, son renoncement à répondre aux demandes sociales, son incapacité à régler les problèmes et à tracer un cap créent en effet un vide effroyable. Les renoncements viennent alors grever toute projection et tout projet collectifs, et susciter au pire rage et colère (un membre sur deux des classes populaires dit aujourd’hui comprendre le recours à la violence dans les manifestations), au mieux repli sur son jardin et sur sa sphère privée. La France du barbecue et du rosé pamplemousse, individuelle et indifférente au collectif et au politique, si bien décrite par le sondeur Jérôme Fourquet et le journaliste Jean-Laurent Cassely. Et si nous étions en train de devenir la somme de nos renoncements ? Ce serait le constat du pessimiste.

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