« En général, on se rend quand même à l’entraînement. On serre les dents et on n’en parle pas. » Chaque mois, quand arrivent ses règles, Laurie Genovese, 30 ans, a la même routine. Pour la championne du monde de parapente, il n’y a pas vraiment de solution : « Je fais de la distance, soit jusqu’à dix heures de vol. Je suis donc obligée de mettre des couches pour adultes [pour absorber les flux], témoigne la Française. Mais cela reste quand même un problème, et je dois voler moins longtemps. »
Longtemps ignorés, minimisés, voire passés sous silence, les effets du cycle menstruel se font ressentir chez un grand nombre de sportives de haut niveau. Troubles de l’humeur et du sommeil, maux de tête, crampes et douleurs dans le ventre, bouffées de chaleur, vomissements, flux abondants, prise de poids… Autant de symptômes ou de répercussions qui sont susceptibles de gêner leur pratique. Et d’avoir des effets sur la performance et la récupération.
En plein Euro de football, en juillet 2022, les joueuses de l’équipe d’Angleterre ont exposé le sujet en demandant à leur équipementier, Nike, de ne plus leur fournir de shorts blancs, la couleur de leur tenue officielle. Leur hantise ? La tache de sang. « Nous entendons et comprenons parfaitement les préoccupations de nos athlètes selon lesquelles porter des vêtements de couleur claire pendant leurs règles peut être un véritable obstacle au sport », a répondu le service communication de la marque. Sans préciser si le blanc sera banni à l’avenir.
La même appréhension a rongé l’ancienne judoka Frédérique Jossinet durant toute sa carrière. « J’ai eu plein de fois mes règles en compétition. Quand on est en kimono blanc, psychologiquement, on a peur de la tache, on va tout de suite être moins attentive à la compétition. Les partenaires doivent aussi comprendre qu’il y a peut-être des changements à faire de ce côté-là », estime la Française de 46 ans, vice-présidente chargée du haut niveau à la Fédération française de judo.
Cycle et performance
Les études sur les règles ont longtemps fait défaut et restent succinctes. Selon une enquête réalisée en 2021, le ministère des sports et l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) notaient ainsi que 14 % des athlètes de haut niveau interrogées présentaient une absence de règles (aménorrhée) et 55 % d’entre elles des troubles du cycle.
Mais l’impact des menstruations sur la condition physique des sportives et leurs résultats reste encore à établir précisément. « Le cycle commence aux premiers jours des règles, les hormones sont au plus bas et il y a une perte de fer liée aux flux menstruels plus ou moins abondants. Les sportives peuvent être moins performantes en endurance, par exemple », illustre Carole Maître, gynécologue et médecin du sport à l’Insep.
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