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les raisons de la chute du putschiste Paul-Henri Damiba

les raisons de la chute du putschiste Paul-Henri Damiba


Arrivé au pouvoir en janvier après un putsch, le lieutenant-colonel Damiba a accepté de démissionner, dimanche, après le nouveau coup d’État mené par le capitaine Traoré. L’ex-chef de la transition paye son manque de résultats dans la lutte contre les jihadistes mais aussi une attitude jugée trop conciliante avec le clan de l’ancien président Compaoré.

C’est finalement sans heurts que le pouvoir change de main au Burkina Faso. Réfugié à Lomé, au Togo, le lieutenant-colonel Damiba a accepté de démissionner, dimanche 2 octobre, laissant son fauteuil au jeune capitaine Ibrahim Traoré, âgé de 34 ans, qui, jusque-là, dirigeait le corps du régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays.

Des négociations ont eu lieu toute la journée au siège de l’état-major pour trouver une issue pacifique, alors que se dessinait le scénario noir d’un affrontement entre les nouveaux putschistes et ceux rester fidèles à l’ex-président de la transition.

Pour entériner son départ, le putschiste déchu Paul-Henri Damiba a toutefois posé des conditions : l’amnistie pour lui, ses proches et les soldats qui s’étaient engagés à ses côtés, la poursuite de la réconciliation nationale ou encore le respect des échéances devant permettre un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024.

Dans un communiqué, un porte-parole des putschistes a annoncé que “le capitaine Traoré est chargé de l’exécution des affaires courantes de l’État jusqu’à la prestation de serment du président du Faso désigné par les forces vives de la nation”. Une information confirmée par l’intéressé lui-même sur l’antenne de RFI. Ce dernier a promis des “assises dans moins d’un mois” pour “désigner un président de la transition” précisant qu’il n’avait pas de préférences pour un président civil ou militaire.

Divorce au sein de l’armée

Priorité des priorités pour le nouveau gouvernement : rétablir l’ordre et la sécurité dans un État qui a perdu le contrôle de plus de 40 % de son territoire face à la poussée des groupes jihadistes, en dépit des promesses du colonel Damiba de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité. Dès leur coup de force vendredi, les putschistes avaient d’ailleurs justifié leur action par “la dégradation continue de la situation sécuritaire”. 

“Une fracture s’est créée entre le colonel Damiba et la population avec une importante dégradation sécuritaire, peu de résultats dans la lutte contre le jihadisme et une absence totale de changement tangible dans le quotidien de la population”, analyse Caroline Roussy, directrice de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

Dans le nord du pays, des villes comme Djibo sont assiégées depuis plusieurs mois par des groupes armés islamistes provoquant des pénuries alimentaires dramatiques. Un convoi humanitaire, qui devait apporter un peu de répit à la population, a été attaqué la semaine dernière par des membres du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans affilié à Al-Qaïda, entraînant la mort de 11 soldats burkinabè

“L’attaque du convoi de Djibo a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase”, résume le journaliste de France 24 Wasim Nasr. “On a alors beaucoup reparlé du manque de moyens mis à disposition” de l’armée, rappelle le spécialiste des mouvements jihadistes.

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Ces derniers mois, des dizaines de militaires ont perdu la vie dans des attaques similaires créant un profond ressentiment au sein des troupes engagées sur le terrain. 

“Le coup d’État de vendredi a révélé “une certaine fracture au sein de l’armée entre une hiérarchie militaire qui n’est pas au front et a continué à s’embourgeoiser et des soldats qui, sur le terrain, ont eu le sentiment d’avoir été abandonnés”, assure le chercheur en sciences politiques de l’université de Ouagadougou, Cheickna Yaranangoré, interrogé par le journal le Monde.

La figure “souillée” de Thomas Sankara

À ce divorce au sein de l’armée s’est ajoutée la défiance d’une large partie de l’opinion publique après la venue, en juillet, sur le sol burkinabè de l’ancien président Blaise Compaoré, chassé par la rue en 2014. Paul-Henri Damiba souhaitait alors consolider “la réconciliation nationale” pour mieux lutter contre les violences jihadistes. 

Si les partisans de Blaise Compaoré ont salué un geste fort vers un apaisement des tensions politiques, beaucoup y ont vu un déni de justice “au pays des hommes intègres” : trois mois plus tôt, l’ancien président en exil en Côte d’Ivoire avait été condamné à la prison à vie par contumace pour l’assassinat de son prédécesseur, Thomas Sankara.

>> À lire : Procès Sankara : que reste-il du panafricanisme défendu par le leader révolutionnaire africain ?

“Thomas Sankara reste l’icône et la figure indépassable qui a été une fois de plus souillée. Le droit n’a pas été respecté et à ce moment-là, il y a eu un divorce entre la population et Damiba qui a perdu toute crédibilité. Il a fini par être perçu comme un symptôme d’un système de corruption endémique”, affirme Caroline Roussy. 

D’autant que des personnalités de l’ancien régime tombé en 2014 ont été nommées à des postes clés dans le sillage du coup d’État de janvier. De son côté, la présidence avait tenté d’apaiser l’opinion publique assurant que le processus de réconciliation nationale n’était « pas fait pour consacrer l’impunité’’, sans parvenir à éteindre la colère de la population.

Quel rôle de la Russie ?

Au lendemain du coup de force des nouveaux putschistes, des drapeaux russes ont été brandis dans les rues de Ouagadougou tandis que l’ambassade de France a été prise pour cible à deux reprises durant le week-end par des manifestants hostiles, alimentant les soupçons d’une campagne de déstabilisation orchestrée par Moscou.

Des rumeurs circulant sur les réseaux sociaux prétendant que le colonel Damiba s’était réfugié sur la base française à Kamboinsin de Ouagadougou ont contribué à souffler sur les braises du sentiment anti-français.

>> À voir également : Le sentiment anti-Français, « meilleur catalyseur des mobilisations de rue »

Depuis le coup d’État de janvier, les diplomates s’inquiètent de voir la Russie prendre pied au Burkina Faso. À l’époque, Alexandre Ivanov, un proche du Kremlin actif en Centrafrique s’était dit prêt à “partager l’expérience” des “instructeurs” russes pour la formation de l’armée du Burkina Faso.

Le Kremlin a-t-il joué des lignes de fractures au sein de l’armée burkinabè, entre les partisans d’une coopération approfondie avec la France comme le lieutenant-colonel Damiba et ceux tentés par des coopérations avec d’autres pays, dont la Russie ?

“On ne peut écarter aucune hypothèse”, explique Caroline Roussy. “On voit qu’il y a une volonté de diversification des partenariats. Tout cela s’inscrit en tout cas dans une dynamique sous-régionale qui n’est pas étrangère à ce qui se passe au Mali et ailleurs.”

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