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la « révolution des toilettes » et ces discrets messages contestataires dans l’espace public

la "révolution des toilettes" et ces discrets messages contestataires dans l’espace public


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Plusieurs images qui ont circulé sur les réseaux sociaux à partir du 15 octobre, veille de l’ouverture du 20e congrès du Parti communiste, montrent de rares messages de contestation dans certains lieux publics en Chine. Des graffitis dans les toilettes publiques, des affiches anti-Xi Jinping envoyées instantanément aux téléphones environnants dans le métro ou des messages imprimés depuis une imprimante de poche : la contestation est discrète mais réelle.

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« Xi Jinping est un empereur sans limite ». Ce message, imprimé en caractères noirs sur une petite étiquette blanche, a été collé sur diverses barres de bus, affiches publicitaires et autres selles de vélo à louer chinois. 

« Je n’ose pas faire de grandes bannières »

Notre Observateur, L, a collé des étiquettes dans sa ville, dont il souhaite taire le nom.

J’utilise une imprimante d’étiquettes de poche, achetée moins de 100 yuans sur Taobao [environ 14 euros, sur l’équivalent d’Amazon en Chine, NDLR]. Elle fait à peine la taille de la paume de ma main.  

Je vais généralement coller aux endroits où il y a le plus de circulation piétonne, mais les gens font rarement attention. Je colle aussi sur les vélos de location, c’est difficile à manquer : si on veut emprunter les vélos, on verra forcément mon message en scannant le QR code ou en inspectant le vélo.  

Quand j’ai commencé à coller, j’étais très nerveux, j’avais peur. Puis je me suis lentement adapté. J’en colle généralement plus de dix par jour.

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En Chine, manifester son désaccord peut mener à des peines de prison, surtout lorsque le président Xi Jinping est ciblé. 

Les oppositions publiques sont donc rares. Néanmoins, le 13 octobre dernier, à trois jours de l’ouverture du 20e congrès du Parti communiste chinois, un manifestant solitaire identifié plus tard sous le nom de « Peng Lifa », avait déployé sur l’un des axes principaux de Pékin deux banderoles critiquant « le dictateur Xi Jinping » et la situation sanitaire du pays. Il avait ensuite été arrêté par la police. Son sort est pour l’heure inconnu. Toutes les images et mentions de l’évènement ont été censurées sur les réseaux sociaux chinois.  

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : « Destituez le dictateur Xi Jinping »: des images témoignent d’une manifestation rare à Pékin 

Notre Observateur a commencé à semer ses étiquettes contestataires peu après cet épisode :

Le héros du pont Sitong est très courageux, et son destin est tout autant tragique, il n’a pas pu (ou voulu) évacuer à temps. 

Je n’ai pas un pouvoir énorme, mais j’ai un petit pouvoir. Je n’ose pas faire de grandes bannières, mais j’ose en faire de petites. J’ai soigneusement évalué que ces petites bannières sont très difficiles à tracer et très faciles à utiliser.

 

L’initiative a été relayée sur Twitter, notamment par Fengsuo Zhou, ancien leader étudiant des manifestations de la place Tian’anmen, en 1989.

« Il faut beaucoup de courage et d’ingéniosité pour manifester de la sorte »

Contacté par notre rédaction, Fengsuo Zhou explique que le colleur d’étiquettes a partagé son idée lors d’une discussion Twitter réunissant plus de 600 personnes qui visait à trouver des moyens de faire vivre le message de Peng Lifa. 

L’imprimante de poche est facile à transporter et à cacher des caméras, l’impression est rapide, immédiate, ce qui en fait le meilleur choix pour coller des affiches dans les espaces publics. Mais je ne serais pas étonné que la Chine finisse par interdire les imprimantes de poche.

Compte tenu de la surveillance omniprésente en Chine, il faut beaucoup de courage et d’ingéniosité pour manifester de la sorte. 

Beaucoup sont inspirés par Peng Lifa, le manifestant du pont de Sitong. Il a fait passer le message que l’on peut toujours trouver un moyen de faire quelque chose avec une planification minutieuse si l’on est assez courageux.

« La révolution des toilettes » 

Depuis le 13 octobre, des images témoignent d’autres formes d’hommages et de soutien au « héros du pont » sur le territoire chinois. Le média américain Vice rapporte par exemple que des pancartes anti-Xi Jinping ont été envoyées par un téléphone à proximité via Airdrop, une fonction d’envoi instantané sur les iPhones, à un usager du métro à Shanghai.

D’autres photos apparues sur les réseaux sociaux à partir du 15 octobre montrent des tags ou des affiches contestataires dans des toilettes publiques chinoises.

Sur Twitter, le phénomène a été baptisé « la révolution des toilettes ». 


Ces images montreraient les toilettes des archives du cinéma de Pékin. Les tags et les affiches appellent à s’opposer au régime et reprennent les messages du manifestant solitaire du 13 octobre à Pékin.

Ces photos auraient été prises à Pékin, à Shanghai ou encore Chengdu. Mais elles restent néanmoins difficiles à géolocaliser avec précision, étant donné qu’elles montrent un espace intérieur, en plan très serré. On peut cependant relever que les panneaux indicatifs qui apparaissent sur certaines photos sont écrits en chinois simplifié, uniquement utilisé en Chine continentale.

« Refléter les luttes qu’un Chinois ordinaire doit mener pour exprimer ses opinions »

Le compte Instagram « Citizen daily » a rassemblé plusieurs de ces images, qui leur ont été envoyées directement, pour la plupart. Valentina (pseudonyme) fait partie des étudiants chinois qui gèrent cette page, qui comme elle, vivent en majorité en dehors du pays. 

J’ai été surprise de voir l’ampleur des images de graffitis dans les toilettes chinoises. 

Cela peut paraître peu risqué, car il n’y a pas (pour l’instant) de caméras de surveillance dans les toilettes publiques, mais ça reste assez extraordinaire vu ce qui arrive aux personnes qui expriment leur désaccord publiquement en Chine.


La première, deuxième et dixième images auraient été prises dans des toilettes chinoises selon “Citizen daily”. Les tags et affiches reprennent le message de Peng Lifa, critiquant le gouvernement et sa gestion du Covid et appelant à la destitution de Xi Jinping.

 

Il y a toujours eu quelques critiques en ligne, surtout depuis que la pandémie a frappé, mais je n’ai jamais vu de gens faire ce genre d’action. Ou peut-être que des gens l’ont fait, mais qu’ils n’ont pas réussi à faire sortir les images sur les réseaux sociaux. Je pense que cela montre à quel point les Chinois en ont assez de Xi Jinping. 

Valentina précise que la majorité des images de contestation relayées par le compte Citizen Daily viennent d’étudiants chinois vivant à l’étranger. « Citizen Daily » a dénombré 320 universités dans le monde ayant inscrit des affichages contestataire sur leur campus. Elle souligne que ces actes de protestations ne sont pas sans risques pour les citoyens chinois vivant à l’étranger, qui ont de la famille dans le pays et qui peuvent y revenir. 

Après l’incident du pont Sitong, nous avons commencé à recevoir des photographies et des affiches de Chinois étudiant ou travaillant à l’étranger, exprimant leur soutien à ce citoyen anonyme. Nous avons donc créé quelques affiches et nous en recevons de plus en plus. Le niveau de créativité est tout simplement incroyable.

« Notre projet reflète les luttes qu’un Chinois ordinaire doit mener pour exprimer ses opinions.

La créativité des gens [pour contourner la censure] est infinie. Je suis sûr que même si toutes les méthodes que nous connaissons aujourd’hui finissent par être interdites, nous pouvons trouver de nouveaux moyens de faire passer notre message. Ce sera difficile, mais pas impossible.

Je pense qu’il est essentiel d’archiver nos efforts pour continuer à rappeler à chacun que le combat est toujours en cours et que nous ne sommes pas seuls. De nombreuses personnes se battent à nos côtés. 



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