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La naissance d’une petite grande équipe

La naissance d’une petite grande équipe


C’était à peine deux ans après la crise d’Octobre, quand Pierre Elliott Trudeau avait envoyé l’armée dans les rues de la ville de Montréal. Dans le Rang 1 de Falardeau, on avait peur que le FLQ enlève le gérant de la Caisse populaire. PET l’avait dit à Radio-Canada 

L’annonce de la naissance de l’Association mondiale de hockey (AMH) a vite intéressé le jeune journaliste à temps partiel que j’étais.

Le jour, j’étais prof de latin et de grec à la polyvalente Charles-Gravel et, à partir de 4 h, journaliste au Progrès-Dimanche, le gros hebdo régional.

J’étais affecté à la couverture de l’hôtel de ville de Chicoutimi et à tout ce qui se passait le samedi.

Rien à voir avec les sports. Les sports, je les pratiquais, je n’en parlais pas. J’étais dans la vingtaine.

L’année précédente, j’avais couvert la campagne électorale à la mairie. Henri Girard avait défait le maire sortant Gilles Tremblay.

Et les Nordiques ?

Justement, j’y arrive.

L’ÉQUIPE DU PEUPLE

Mon club, c’était le Canadien. Mais ces jeunes audacieux de Québec avaient une qualité extraordinaire. Ils parlaient tous français, ils avaient un chandail bleu, même si c’était un bleu poudre affreux, qui rappelait les blazers de René Lecavalier à la Soirée du hockey, et surtout, un de leurs actionnaires à 25 000 $ était Gilles Tremblay, l’ancien maire de Chicoutimi.

Je me suis mis à me passionner pour tout ce qui touchait les Nordiques et l’AMH. Tellement que, pendant toute la première saison, dans un petit calepin noir à 10 cents, j’ai noté l’assistance à tous les matchs du circuit maudit, comme l’appelait le coloré Claude Larochelle, du Soleil.

J’avais déjà compris que ça passerait par les foules aux matchs. C’était évident que les Raiders de New York ne survivraient pas. Ni les Nationals d’Ottawa. Mais les Nordiques tenaient bien le coup. Avec l’aide de TVA, on pouvait même suivre leurs matchs le dimanche soir.

Et voir jouer Gerry Cheevers et Paul Schmyr avec les Crusaders de Cleveland. Il portait le « K » pour rappeler ses origines ukrainiennes. Sans parler de Bobby Hull, de Gordie Howe plus tard, de Marc Tardif avec les Sharks de Los Angeles, des six surdoués des Baby Bulls à Birmingham, et des débuts de Wayne Gretzky à Indianapolis.

DE POLLOCK À SAVARD

Ça me passionnait tellement que je suis devenu un spécialiste des propriétaires des Nordiques. Les premiers. Paul Racine, John Dacres, le notaire Maurice Taschereau, Marius Fortier et les autres qui se joignirent à eux à coups de cellules de 25 000 $.

Pendant des années, avant et après septembre 1972, j’ai lu toutes les lignes et entre les lignes de ce qu’écrivaient Claude Bédard et Claude Larochelle. Deux féroces compétiteurs jusqu’à 9 heures du soir.

Puis, quand les sections sportives des deux journaux – Le Soleil et Le Journal de Québec – étaient bien lancées, les deux hommes se retrouvaient pour prendre un café et partager les informations qu’ils avaient glanées sur l’AMH. Pour aider Québec, pour aider un grand village à devenir une ville. Pour s’assurer que la capitale ne passerait pas à côté de la chance d’avoir une équipe de hockey de calibre majeur. Ces deux hommes ont mené un journalisme de combat comme on ne peut plus l’imaginer. Pour leur ville. Pour les francophones du Québec qui n’avaient pas accès à la direction du Canadien, menée par les cousins Bronfman et Sam Pollock. Puis, par Morgan Mc Gammon et Irving Grundman.

Ils ont tellement contribué à la bataille que, 15 ans plus tard, Marcel Aubut, Maurice Fillion et Michel Bergeron affrontaient Ronald Corey, Serge Savard et Jacques Lemaire. 

JACQUES DEMERS À CHICOUTIMI

Et là, je rentre dans un champ nébuleux. Je n’arrive pas à retrouver les documents. Mais l’historien du sport régional François Lafortune le confirme, les Cougars de Chicago sont venus disputer une rencontre hors concours contre les Nordiques au Centre Georges-Vézina. Ce serait arrivé le 1er ou le 2 octobre 1974. Ils étaient même venus signer le livre d’or de l’hôtel de ville. J’étais sans doute dans la région ce jour-là, puisque j’ai rapporté toute une conversation que j’avais eue à Chicoutimi avec Jacques Demers, jeune adjoint au directeur général des Cougars dans La Presse du 15 octobre. 

Après mon arrivée à La Presse à Montréal, où je travaillais aux faits divers de nuit, je profitais de mes congés pour descendre à Québec rencontrer Serge Bernier, Jean-Claude Tremblay ou Gordie Howe. Ce furent mes premières collaborations aux sports. Avant de retourner couvrir les crimes à mon retour.

Moi aussi, les Nordiques m’auront permis d’accéder à la Ligue nationale !

UNE GRANDE SÉRIE DOCUMENTAIRE

Des fois, on est payé pour avoir du plaisir à travailler. Pendant deux ans, avec le producteur Guy Villeneuve, de Fair-Play, et mon confrère Mathias Brunet, on a revisité la naissance des Nordiques dans l’AMH et toute l’incroyable saga de la rivalité entre les Nordiques et le Canadien. 

Tout y est passé. Il y a la naissance. Puis l’entrée in extremis des Fleurdelisés dans la Ligue nationale en 1979, huit mois avant le premier référendum, jusqu’à leur départ… cinq mois avant le deuxième référendum. Pendant les 15 grandes années du Québec inc. 

On a mené 83 entrevues. Incluant Robert « Bob » Guindon, Michel Parizeau, l’extraordinaire Claude Bédard qui a tout vécu de l’épopée, Mario Marois, Peter Stastny, Dale Hunter, Ken Dryden, Serge Savard, Guy Lafleur – sa dernière longue entrevue qu’il a terminée en pleurant à chaudes larmes…

Des gens ont essayé de saisir l’essence de ces entrevues totalisant plus de 150 h de vidéos et de les monter dans huit épisodes gorgés d’archives incroyables. 

Vous allez pouvoir juger par vous-mêmes en novembre.

Mais je sais une chose. Le Québec se portait mieux avec les Nordiques…



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