L’inflation touche tout le monde, mais tout le monde n’est pas touché également. Une irritation pour les plus fortunés, une mise K.-O. pour les plus vulnérables. Pour les plus pauvres, c’est invivable.
La réalité économique actuelle met beaucoup de pression sur les organismes de distribution alimentaire. La demande pour les paniers de denrées s’est transformée au cours des derniers mois. Maintenant, les travailleurs – surtout les travailleuses – à faible revenu s’y bousculent. Cette aide de dernier recours est souvent nécessaire pour boucler le budget familial. Heureusement, une alternative existe, elle est testée et approuvée depuis bien longtemps.
Entraide
Les sœurs Ouellette ont démarré le premier groupe de cuisine collective en 1982 dans leur quartier montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve. Au début, elles espéraient trouver un moyen à la fois efficace et agréable de faire face à la crise économique tout en reprenant le contrôle de leur alimentation. Se nourrir dignement et adéquatement, joindre les deux bouts, partager les compétences, mettre en commun les ressources, voilà autant de caractéristiques des cuisines collectives qui perdurent encore aujourd’hui.
Historiquement, les cuisines collectives se déploient dans des milieux de vie où l’éducation populaire et le développement du pouvoir d’agir individuel et collectif ont la cote. Elles soutiennent l’accueil et l’intégration des personnes issues de l’immigration, permettent à des parents de cuisiner ensemble, accompagnent des jeunes ou des aînées à développer leurs compétences culinaires, brisent l’isolement, permettent de faire de belles économies, et tellement plus !
Le développement d’un réseau soutenant a permis à de nombreuses personnes participantes de prendre leur envol citoyen. Le milieu de vie sécuritaire créé par les organismes a été un véritable tremplin pour plusieurs.
Cette belle réalité se vit quand le prix des aliments est raisonnable. Quand le financement des organismes est suffisant.
Le RCCQ estime que ces deux enjeux ont un effet désastreux sur les besoins des personnes en situation de précarité économique et menacent grandement les activités de cuisines collectives. Avant cette montée inflationniste, les groupes pouvaient faire des miracles avec des budgets serrés, maintenant, c’est vraiment plus difficile. Afin de ne pas augmenter les budgets, les portions ont dû être réduites et elles ne comblent plus nécessairement tous les besoins de base. Pour s’alimenter convenablement, certaines familles devraient participer à plusieurs groupes, ce qui est impossible pour de nombreux organismes.
Du financement nécessaire
La misère augmente, les fonds diminuent. Tout comme les personnes qu’ils soutiennent, les organismes de cuisines collectives sont à bout de souffle. Ils s’appauvrissent un peu plus chaque année. Ils se battent presque quotidiennement pour grappiller le financement nécessaire à leur survie et au maintien de conditions d’emploi intéressantes pour garder le personnel.
Les capacités financières permettant aux organismes de remplir leur mission et d’aider les laissés-pour-compte s’amenuisent. Si rien ne change, certains organismes seront même contraints à la fermeture complète.
Ça fait des années que les organismes communautaires dénoncent le sous-financement, ça fait des années qu’ils perdent un temps fou à compléter des demandes de financement et des documents de reddition de comptes pour obtenir des fonds nettement insuffisants. On leur demande la pérennité et l’excellence, on leur donne des miettes. Pour réussir à s’en sortir, les équipes multiplient les demandes et les heures pour les rédiger, négligeant ainsi leur travail auprès des personnes qui en ont besoin.
Il faut que ça cesse.
Fiers et debout, les organismes de cuisines collectives sont une réelle solution, encore faut-il leur donner plus de moyens.
Josée Poirier Defoy, Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ)