Douze millions de Français courent à petites foulées sur les littoraux aménagés, le long des chemins de halage ou dans les villes, goûtant aux vertus de la sérotonine, cette hormone du bonheur délivrée après que l’organisme s’est adapté à l’effort. Quatre fois plus nombreux qu’il y a vingt ans, selon le Baromètre du running 2022, ils se lancent avec la ferveur du converti, enfilent des manchons de compression, glissent leur téléphone dans un brassard et leur bouteille au ceinturon, se nourrissent de smoothies et de boissons gazeuses vitaminées, mesurent leurs efforts sur un bracelet cardiofréquencemètre et tiennent le cap à l’aide d’une montre GPS.
« Beaucoup de gens utilisent la course à pied pour se mettre en forme, mais je recommanderais vraiment de se remettre en forme pour se mettre à courir » – Irene Davis, experte en biomécanique de la course à pied
Avec plus de 850 millions d’euros de chiffre d’affaires par an – deux fois plus que celui du football, selon Union Sport & Cycle, syndicat professionnel qui représente le secteur marchand du sport –, le marché français des chaussures, du textile et des accessoires de running se frotte les semelles : grâce à son équipement flambant neuf, n’importe quel joggeur tranquille (et qui, par définition, trotte) passe pour un runner ambitieux (qui court de manière plus intensive).
Mais, bien souvent, ces météores du macadam ou du sable se blessent pour avoir surestimé leurs capacités. « Je me suis littéralement retrouvée avec un muscle qui se baladait dans le mollet faute de m’être suffisamment échauffée en plein hiver », explique Beryl Brianceau, 28 ans, sportive depuis l’enfance. Les chiffres diffèrent selon les études, mais la majorité d’entre elles s’accordent sur le fait que de 30 à 50 % des coureurs sont concernés chaque année. « A partir de 40 ans, ça tombe comme des mouches », a observé autour de lui Ahmed Tarzi, 41 ans, ancien runner compulsif, obsédé par sa vitesse, qui se remet difficilement d’une hernie discale.
« Beaucoup de gens utilisent la course à pied pour se mettre en forme, mais je recommanderais vraiment de se remettre en forme pour se mettre à courir », a déclaré récemment, dans une sorte de révolution copernicienne du footing, Irene Davis, experte en biomécanique de la course à pied à l’université de Floride du Sud (New York Times, 13 mai 2022). A Montmartre, haut lieu parisien du dénivelé et de l’escalier, Perrine Blétry, ostéopathe, reçoit au moins un joggeur par jour : « On trouve principalement des problématiques de posture : des douleurs au niveau des genoux et des chevilles, des tendinites dont la plus connue est le syndrome de l’essuie-glace [inflammation de la bandelette fibreuse qui s’étend de la hanche au tibia]. Sans compter les entorses et les fractures liées à des changements de terrain, de mauvaises chaussées et des chaussures inadaptées. »
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