Éclaboussée par plusieurs scandales, l’Église catholique a perdu un nombre grandissant de fidèles ces dernières années dans ses deux plus grands diocèses du Québec.
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Selon les données obtenues par Le Journal, le nombre de demandes d’apostasie, la démarche ultime par laquelle une personne renonce à sa foi, a été multiplié par six au diocèse de Québec en quelques années, passant d’un creux de 24 en 2015 à 147 depuis le début de l’année 2022.
C’est un sommet depuis une décennie, mais pas un record, alors qu’on avait recensé pas moins de 286 demandes en 2010.
À Montréal, les demandes annuelles ont doublé avant la pandémie puis se sont chiffrées à 205 l’année dernière, marquée par un rattrapage dû à la crise sanitaire.
Carole-Anne Aubry, de Brossard, fait partie des Québécois qui ont décidé de se désaffilier de l’Église.
«Moi, le déclencheur, ç’a été ce qui s’est passé avec les pensionnats autochtones. […] Ça faisait longtemps que l’idée me trottait dans la tête», confie la jeune femme de 34 ans.
Elle explique avoir été initiée à la religion par ses parents, mais ne pas être pratiquante depuis de nombreuses années.
«Je voulais me dissocier de l’Église et tout ce que ça représente.»
Climat défavorable
Selon le théologien Gilles Routhier, les scandales sexuels et les révélations au sujet des pensionnats autochtones ont terni l’image des institutions catholiques.
«Ça contribue à discréditer l’Église catholique, note-t-il, mais dans quelle mesure c’est ça qui déclenche la démarche, ça, c’est moins clair.»
Le professeur de l’Université Laval relève un «climat général défavorable à l’Église catholique actuellement» un peu partout autour du globe.
Il évite cependant d’associer la tendance à un seul facteur, disant que les motivations varient d’un individu à l’autre et sont parfois très personnelles, comme une mauvaise expérience avec l’Église ou un changement d’appartenance religieuse.
D’autre part, on constate une augmentation du nombre des personnes qui déclarent n’adhérer à aucune religion dans la population canadienne.
«Pour qu’il y ait passage à l’acte [d’apostasier], c’est probablement que quelque chose les a irrités ou les a conduits à faire une démarche», dit le spécialiste.
Plus de confirmations
Au diocèse de Québec, « les cas d’abus sexuels sont mentionnés à l’occasion [dans les demandes d’apostasie].
Les implications de membres de l’Église dans le système des pensionnats ont été soulevées dans certaines autres demandes », selon la directrice des communications Valérie Roberge-Dion.
En revanche, à l’autre bout du spectre, Mme Roberge-Dion souligne un nombre encore plus élevé d’adultes qui officialisent leur relation avec l’Église
En effet, l’an dernier, le diocèse de Québec a enregistré 14 baptêmes et 214 confirmations d’adultes sur son territoire.
Il importe de rappeler que ces deux sacrements sont souvent requis pour se marier à l’église ou devenir parrain ou marraine.
Demandes d’apostasie au diocèse de Québec
2015 : 24
2016 : 30
2017 : 29
2018 : 47
2019 : 92
2020 : 43
2021 : 134
2022 (en date d’octobre) : 147
Demandes d’apostasie au diocèse de Montréal
2015 : 58
2016 : 29
2017 : 36
2018 : 51
2019 : 101
2020 : 46*
2021 : 205*
*donnée partielle. Le diocèse de Montréal n’a pas été en mesure de fournir les données pour 2022. La réception et le traitement des demandes ont connu un ralentissement en 2020 en raison de la pandémie, donnant lieu à un rattrapage par la suite.