A deux semaines exactement de la Coupe du monde de football, qui se tient au Qatar (du 20 novembre au 18 décembre), une enquête publiée, dimanche 6 novembre, par The Sunday Times révèle que des journalistes, politiques, ou encore des avocats ont été ciblés par des hackeurs embauchés afin de protéger la réputation du Qatar.
Ces personnalités ont été visées pour leurs enquêtes ou leurs prises de position critiques sur l’attribution et l’organisation du Mondial par l’émirat qui se tient sur fonds d’appels au boycott de la compétition. Le pays est notamment mis en cause pour le traitement des travailleurs sur les chantiers liés à la compétition ou le respect des droits des femmes et des personnes LGBTQ. Des avocats du gouvernement qatari, interrogés, ont démenti l’implication du Qatar dans cette vaste opération de hacking.
Michel Platini et Nathalie Goulet ciblés
Parmi les cibles de ces hackeurs se trouvent une sénatrice française, Nathalie Goulet, qui avait accusé le Qatar de financer le terrorisme islamique, ou l’ancien président de l’Union des associations européennes de football (UEFA), Michel Platini, grand défenseur de la candidature qatarie. Le piratage de ce dernier se serait produit peu avant qu’il ne soit entendu par la justice française dans le cadre d’une enquête sur les soupçons de corruption dans l’attribution de la Coupe du monde au pays du Golfe.
Massive opération de #Hacking de comptes de nombreuses personnalités hostiles au #Qatar et à priori aussi du mien p… https://t.co/aXRdWQFrvN
Des journalistes figurent parmi les victimes des hackeurs, comme celui du Sunday Times Jonathan Calvert, qui avait enquêté sur les manœuvres de corruption ayant mené à l’attribution de la Coupe du monde au Qatar en 2010, ou l’avocat américano-hongrois Mark Somos ayant déposé plainte contre la famille royale du Qatar devant le Haut-Comissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Des opérations de piratage depuis 2019
Selon les données récupérées par The Sunday Times et le Bureau of Investigative Journalism cette année, c’est à partir de 2019 qu’ont débuté ces opérations de piratage des boîtes mails ou de prise de contrôle à distance des micros et des caméras des ordinateurs d’une cinquantaine de personnalités, réalisées par un groupe de hackeurs indiens. « L’enquête précise clairement que le client (des hackeurs) est l’hôte de la prochaine Coupe du monde : le Qatar », écrivent les journalistes.
Le recours au groupe indien de hackeurs aurait été fait par l’intermédiaire d’anciens officiers de police ou du renseignement britanniques, travaillant désormais dans le secteur privé, détaille l’enquête du journal britannique.
Au-delà du Qatar, l’enquête révèle de nombreux autres cas de hacking de personnalités réalisés par le même groupe indien, pour le compte de cabinets d’avocats anglais, de régimes autocratiques.
Le président suisse, Ignazio Cassis, a ainsi été ciblé juste après un entretien dévolu aux sanctions contre la Russie avec Boris Johnson lorsqu’il était premier ministre du Royaume-Uni, tout comme Philip Hammond quand il était ministre des finances britannique et alors qu’il faisait face aux retombées des empoisonnements russes au Novitchok au Royaume-Uni. Un oligarque ayant fui la Russie aurait aussi été visé à la demande d’un cabinet d’avocats londonien travaillant pour l’Etat russe.