Comment Netflix fait de sa landing page une vitrine de nouveautés? Quel chemin prend ITVX, service de vidéo à la demande britannique, pour convertir le client gratuit au payant? Où est placée l’offre Paramount + sur un écran Sony? Ici, ni marketing ni gamberge sur la dernière série qui cartonne. Bedrock tape dans le dur de la technologie pour bâtir les outils de streaming dernier cri, dignes des géants américains ou chinois.
Il a pour clients la plateforme 6play (M6), des télévisions de RTL Group (Belgique, Croatie, Pays-Bas et Hongrie). Il a équipé Salto, plateforme tricolore au devenir incertain dont les actionnaires, M6, TF1 et France Télévisions, sont sur le départ. Cette fin possible n’inquiète guère Bedrock. Ni en termes d’image ni en termes de recettes: « Evidemment, nous aimerions que ça continue. Avec trois flux de contenus et des régies séparées, des actionnaires qui n’avaient pas le droit de se parler, et des murailles de Chine partout… nous avons réussi une vraie prouesse », plaisante Jonas Engwall, PDG de Bedrock.
Business offensif
Depuis qu’en 2019 Bertelsmann a décrété que la filiale serait la colonne vertébrale du streaming de tout le groupe, Bedrock s’est mué en business offensif. Jonas Engwall, ex-RTL, passé chez Iflix, pointure malaisienne de la vidéo à la demande, avoue « passer sa vie dans l’avion ».
L’entité veut être l’alternative européenne pour des acteurs du Vieux Continent, qui pourront même entrer à son capital. Habile manière pour M6 de faire recette et rebondir après le mariage raté avec TF1.
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L’appétit techno de M6 n’est pas nouveau. Dès 2008, sous la houlette de son président Nicolas de Tavernost, le groupe s’offre l’éditeur de sites lyonnais Cyréalis, futur socle de M6 Replay, son offre de télévision de rattrapage. « Il sentait que les routes d’Internet et du broadcast allaient vite se croiser », déclare Jonas Engwall. En 2013, alors que Netflix bascule vers la production maison avec House of Cards, Nicolas de Tavernost accélère dans la personnalisation et la recommandation de contenus, chasse le client hors du groupe et songe à une filiale commune avec RTL. « Bedrock nous offre les moyens de mutualiser les développements et les dépenses », plaide ce dernier.
Effectifs portés à 400 salariés
Au même moment, Disney déboursait 2,5 milliards de dollars pour racheter BAMTech, pape du streaming sportif, devenu Disney Streaming Services. « Nous voulons être le BAMTech européen », dit Jonas En-gwall. RTL et M6 mettent le paquet, investissant 70 millions d’euros par an, quand Canal+ dit miser une centaine de millions dans l’infrastructure de sa chaîne chaque année. En trois ans, les effectifs sont passés de 160 à 400 salariés, essentiellement basés à Lyon, « où le turnover des développeurs est moindre », pointe le président de M6.
Jonas Engwall, PDG de Bedrock. (Bedrock)
« La demande est là, assure Nicolas Auffret, directeur stratégique. Les habitués des grandes plateformes ne supporteront pas la médiocrité chez les acteurs locaux, qui devront assurer la même fluidité et capacité à se déployer sur tous les écrans. » L’Europe, le Canada, le Moyen-Orient et même de petits acteurs américains sont en ligne de mire. « Nous privilégions des leaders dont le streaming est stratégique et qui ont fait des efforts dans les contenus et le marketing », égrène Jonas Engwall. Un portrait-robot qui ressemble à s’y méprendre à TF1.