Quel avenir pour Salto, alors que ses actionnaires fondateurs quittent tous le navire? Depuis l’échec du projet de mariage entre TF1 et M6, définitivement enterré en septembre dernier, le tour de table originel de la plateforme tricolore, formé par ce duo et France Télévisions, a du plomb dans l’aile. Rodolphe Belmer, le nouveau directeur général de TF1 depuis fin octobre, bien décidé à concentrer ses moyens et son offre sur les contenus gratuits maison, a initié le mouvement. Sans surprise, les autres peinent à envisager l’avenir hors du trio. « Salto a un avenir, mais pas avec l’actionnariat tel qu’il est aujourd’hui », déclarait récemment Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, dans les colonnes du Figaro.
L’ouverture du capital de Salto, voire la cession totale, à d’autres acteurs (plateformes, diffuseurs, producteurs..), est donc lancée. Remisant de facto tout perspective de liquidation. Pour l’instant.
Thomas Follin, son directeur général – un transfuge du pôle digital et technologique de M6 – veut croire en la valeur de l’actif Salto. A la fin de l’année, plaide-t-il, elle atteindra le million d’abonnés, à plus de 80% payants. « Un million en deux ans, sans être distribué par tous les opérateurs cela a beaucoup de valeur », dit-il.
De la data à revendre
Pas le moment de jeter le bébé avec l’eau du bain. Un million, si ce chiffre est confirmé, c’est avant tout de la data et du profiling à monétiser. Une flopée de noms ont circulé ces dernières semaines pour reprendre ce fichier tricolore de haut vol. Salto qui emploie une soixantaine de salariés, sous-traite depuis ses débuts, il y a deux ans, toute sa direction technologique à Bedrock, filiale commune à M6 et RTL Group, une entité qui travaille pour d’autres plateformes européennes.
Un parc d’abonnés assez jeune
Surtout, poursuit Thomas Follin, Salto a trouvé sa place sur le marché disputé du streaming. Une offre « complémentaire, française et populaire, répondant aux nouveaux usages, notamment ceux des jeunes. » Aujourd’hui, 60% de son portefeuille a moins de 35 ans. Des ados et « adulescents » plutôt fans de personnages (37%) et de programmes (33%) récurrents, selon une récente étude interne. Et assez télévores: les jeunes abonnés regardent en moyenne Salto tous les deux jours pendant 2 heures et demie.
Exit l’audace côté contenus
Côté contenus, après avoir un peu tâtonné les premiers mois, exit les paris audacieux, tels que la programmation de Small Axe de Steve McQueen, série sur le vécu de la communauté noire britannique dans les années 1960, maintes fois primée. Beaucoup trop pointue.
Désormais, Salto dégaine d’abord des grandes marques familiales, essentiellement tricolores (65% du volume horaire) – moins chères? –, toujours en intégralité et en exclusivité: HPI, Candice Renoir, Les Marseillais, Harry Potter: retour à Poudlard, Friends les retrouvailles, And just like that, la suite de l’inénarrable Sex and the City…
Doper la distribution
Rien d’original, que des valeurs sûres « à forte logique communautaire » qu’elle dope à coup d’investissements médias sur les réseaux sociaux. Après avoir un temps songé à des productions originales, sur le mode Netflix – trop onéreuses pour une plateforme qui n’est pas globale – Salto privilégie aujourd’hui les préachat et préfinancements. A l’image de la série évènement Germinal, coproduite avec France Télévisions et la RAI italienne.
Amazon, partenaire intéressé?
Depuis peu, Follin et son équipe ont repris les négociations avec les fournisseurs d’accès à Internet, un temps freinées par le projet de fusion. « Ces acteurs ont besoin d’une offre comme la nôtre, » assure le directeur général.
Autre accélérateur, l’accord de commercialisation conclue au printemps dernier, et effectif depuis juin, avec Amazon Prime Vidéo. Le géant fait partie des noms qui circulent comme possible repreneur. Ce dernier pour l’instant n’a pas commenté.
Salto – l’équivalent d’une centaine d’emploi à temps plein pour 50 millions d’euros de recettes – est depuis ses débuts une belle source de recettes pour ses actionnaires, qui lui vendent leurs contenus. Mais une affaire déficitaire – de l’ordre de 180 millions d’euros. Un chiffre que Thomas Follin ne commente pas. Amazon ou autre acteur, les négociations avec tout nouvel arrivant seront serrées.