» Personne ne pouvait s’en sortir seul, et il n’y a pas de bonne sortie », lâche l’un des trois actionnaires. Le 17 novembre, lors d’un conseil de surveillance, TF1 et M6 ont acté leur retrait de Salto, leur plateforme streaming commune avec France Télévisions. La télévision publique, depuis l’hiver 2021, est aussi sur le départ. Delphine Ernotte, sa présidente, l’a encore confirmé il y a quelques jours, dans les colonnes du Figaro : « Salto atteindra bientôt le million d’abonnés, deux ans seulement après son lancement. Il a fait la démonstration qu’il avait de la valeur, mais pas avec l’actionnariat qu’il a aujourd’hui. »
Le risque de la coquille vide
Reste à tout orchestrer. Vendre ? Avec 750.000 abonnés payants et quelque 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, selon nos informations, alors qu’elle n’est pas distribuée par les grands opérateurs télécoms, Salto « n’a pas démérité », martèle ce même actionnaire. Bouygues est à ce jour le seul opérateur à distribuer la plateforme.
Son parc, en cohérence avec ses contenus et son prix, toucherait plus ou moins la cible visée au départ : grand public, un brin plus jeune, plus féminin, moins parisien et moins CSP+ que la moyenne des plateformes payantes.
Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions.
Mais encore faut-il ne pas s’offrir une coquille vide. Le succès, même relatif, de Salto repose beaucoup sur les exclusivités fournies par le trio TF1-M6-France Télévisions : diffusion en avant-premières, making-of et coulisses des tournages, épisodes inédits… autant de bonus pour attirer le chaland. Seulement voilà : aujourd’hui plus que jamais, chacun des acteurs cherche a besoin de pousser sa propre plateforme. Vite.
Monétiser des contenus ?
Comment continuer à habiller Jacques sans trop déshabiller Paul ? « La clé, ce sont les programmes, confirme l’un d’entre eux. Une émission qui cartonne, autant la mettre chez soi ! » A l’image de Warner Bros qui a un temps voulu réserver la série Friends, blockbuster universel, à sa plateforme HBO Max. Un modus operandi a finalement dû être trouvé avec les partenaires, dont le géant Netflix.
Monétiser des droits, alors ? « Si demain Salto trouve un acquéreur, je n’aurai aucun problème à y laisser nos contenus », promet Delphine Ernotte, toujours au Figaro. Mais à quel prix ? Tout dépend de l’acheteur. Et du contenu. Un succès à la mode Friends – Scène de ménage de M6, toutes proportions gardées, par exemple – devra de facto être partagé au prix fort. Subtil comme équation…
A l’origine, Salto se voulait la riposte tricolore aux 20 milliards de dollars d’investissements annuels de Netflix dans les contenus. Aujourd’hui ses actionnaires doivent aussi penser à limiter leur paume. Delphine Ernotte le glisse aussi, lors de cette interview : « Malgré un effort réel sur notre budget 2023, il manque 45 millions d’euros pour absorber l’inflation. » Exactement la somme que TF1 et M6, dans le cadre de leur fusion avortée, avait promis de verser à la télé publique, pour devenir seuls maîtres à bord…
L’entreprise Salto, bien que « dans son plan de vol du point de vue commercial », dixit un actionnaire, est largement déficitaire. Aujourd’hui ses trois actionnaires cherchent aussi à limiter les pertes.