Une chauve-souris rarissime observée pour la première fois à Genève 

«Pour le commun des mortels, cela ne représente peut-être pas grand-chose, mais pour nous, c’est un peu comme trouver la Joconde dans un grenier! C’est extraordinaire», s’extasie le docteur Manuel Ruedi, chiroptérologue au Muséum d’histoire naturelle. Mercredi, une chauve-souris rarissime au nord des Alpes, un molosse de Cestoni, a été recueillie au bout du lac. «Il s’agit de la première observation directe de cette espèce à Genève, et de la première capture en Suisse depuis plus de trente ans.»

Une équipe de S.O.S. Chauves-souris Genève a récupéré la bête mercredi à la rue de Carouge, en plein centre-ville. Les scientifiques, partis pour une opération classique, ont eu l’immense surprise de découvrir l’une des plus grandes chauves-souris d’Europe. L’animal a une envergure de 40 cm, est coiffé d’oreilles démesurées et est doté d’une queue libre ressemblant à celle d’un rongeur.  Pesant 30 à 40 grammes, il se nourrit de papillons de nuit qu’il chasse en volant très haut dans le ciel en émettant des cris d’écholocation audibles par l’oreille humaine, fait unique chez les chiroptères européens.

C’est justement grâce à ces cris que les spécialistes savaient que des molosses de Cestoni étaient présents dans la région. «Nous avions eu pas mal de contacts acoustiques, explique Manuel Ruedi. Ceux-ci nous indiquaient qu’ils chassaient au-dessus du canton depuis une dizaine d’années. Mais nous n’avions jamais pu en observer – ils volent à 100 km/h. Nous ne savons pas où ils résident.»

La chauve-souris recueillie a été emmenée au Muséum, où il a été constaté qu’elle avait l’avant-bras de l’aile droite broyé, avec plusieurs fractures ouvertes. L’animal a vraisemblablement eu son aile coincée dans une cage de store ou derrière un volet alors qu’il s’y reposait. Constatant qu’il n’existait aucune chance de le soigner ni qu’il puisse voler à nouveau, les vétérinaires ont décidé de l’endormir. Il sera taxidermisé et présenté au Muséum, «puisque ce dernier a vocation d’y montrer toutes les espèces de vertébrés habitant nos régions, y compris les nouvelles arrivantes issues possiblement des bouleversements climatiques engendrés par les activités humaines», écrit l’institution dans un communiqué.

En l’état, le caractère explicatif du réchauffement quant à la présence genevoise du molosse de Cestoni n’est qu’une hypothèse, insiste Manuel Ruedi – avec une seule observation, il est impossible d’acquérir des certitudes. Mais il est avéré que cette chauve-souris est «très répandue dans les pays chauds bordant la Méditerranée, au Sud de l’Europe et en Afrique du Nord. Des spécimens ont été observés jusqu’en Afghanistan.»