C’est le dernier coup d’éclat de Samuel Eto’o à la tête de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Mercredi 31 août, alors que la polémique née du choix d’un nouvel équipementier pour remplacer Le Coq Sportif n’est toujours pas retombée, l’ancienne star du ballon rond a décidé de mettre fin aux fonctions du puissant général Pierre Semengue, 87 ans, jusque-là président de la Ligue professionnelle.
Semengue déboulonné
Personne n’avait encore réussi à déboulonner ce militaire à la retraite, réputé proche du président Paul Biya mais dont la gestion était controversée et qui, malgré dix années en fonction, n’était jamais parvenu à donner au football camerounais le rayonnement espéré. Mais c’était sans compter sur Samuel Eto’o.
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Le 11 décembre 2021, quelques instants après son élection, l’ancien attaquant a juré de « lancer le chantier de la reconstruction [du] football » camerounais. Et depuis, l’enfant de Newbell est sur tous les fronts. À trois mois du premier anniversaire de son accession à la tête de la Fecafoot, qui va coïncider avec la participation du Cameroun à la Coupe du monde, le système Eto’o semble avoir atteint sa vitesse de croisière.
Après avoir obtenu un verdict favorable au Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne, lequel mettait fin à une querelle portant sur la légalité de l’assemblée générale de la Fecafoot, Samuel Eto’o a entrepris d’assainir les finances de la fédération. À l’issue d’un audit mené par le cabinet Stephens Moore, qui a révélé de nombreux dysfonctionnements financiers perpétrés sous la présidence de ses prédécesseurs, l’assemblée générale lui a donné mandat pour « recouvrer toutes les créances et avoirs de la Fecafoot, poursuivre les auteurs de malversations ou qui se serait servi des avantages accordés à la fédération à des fins personnelles ».
Un véritable feuilleton
De fait, pas une semaine ne se passe sans que le feuilleton Fecafoot ne fasse la Une de l’actualité camerounaise. Saluée par de nombreux acteurs locaux, la mise à l’écart de Pierre Semengue est presque passée inaperçue, immédiatement occultée par une autre « affaire » : la publication des résolutions de la dernière assemblée générale, qui s’est tenue le 27 août à Douala.
Il n’en fallait pas plus pour que les détracteurs d’Eto’o dénoncent un projet inavoué de « présidence à vie »
Si celle-ci a fait des vagues, c’est parce que l’assemblée générale a adopté « à l’unanimité, la révision à la hausse de la durée du mandat du président de la fédération », qui passe donc de 4 à 7 ans, ainsi que « la révocation de Guibai Gaitama », l’un de ses membres réputé pour ses prises de position virulentes à l’encontre de Samuel Eto’o. Il n’en fallait pas plus pour que les détracteurs de ce dernier dénoncent une dérive autocratique et y voient un projet inavoué de « présidence à vie ».
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Car au Cameroun, cette question du mandat est ultrasensible, tant elle fait écho aux batailles politiques et au maintien de Paul Biya au pouvoir (porté au sommet de l’État en 1982, il a été réélu en 2018 pour un 7e mandat). Ce record de longévité constituant le nœud gordien du débat dans le pays, Samuel Eto’o a beau bénéficier d’un large soutien au sein de l’opinion, l’annonce de la prolongation de son mandat n’a pas manqué de faire des remous. Si bien que la Fecafoot a dû s’expliquer.
« C’est la résultante de l’excellent travail mené par M. Eto’o sur le terrain en 9 mois, s’est justifié le chargé de communication de la fédération sur les antennes d’une chaine de télévision privée. Soixante-six personnes ont adopté ce texte à l’unanimité. Si l’on compare aux 43 voix qu’il avait obtenues lors de son élection, ça veut dire que 17 personnes ont été convaincues par son travail. »
Dans le camp Eto’o, on se réjouit de ce texte qui met un terme définitif aux spéculations sur ses ambitions politiques
Pas suffisant pour apaiser les opposants à cette mesure, qui dénoncent un texte taillé sur mesure et une forme d’impunité. « Le président de la Fecafoot a été condamné en juin dernier à 22 mois de prison. Il s’agit d’une situation d’inéligibilité qui, selon l’article 47, aurait dû entrainer son retrait, affirme un journaliste présent lors de l’assemblée générale. Or non seulement la vacance n’a pas été constatée mais en plus, les statuts ont été changés et le point indiquant que toute personne condamnée devenait de facto inéligible a été modifié. Et voilà que l’on apprend que cette disposition ne concerne que ceux ayant eu des peines privatives de liberté avec certificat de détention. »
Dans le camp Eto’o, on se réjouit néanmoins de l’adoption de ce texte qui, selon les proches du président, met un terme définitif aux spéculations sur ses ambitions politiques. « On ne nous dira plus qu’il se prépare pour la présidentielle de 2025, vu qu’à cette date, il sera encore concentré sur son mandat », veut croire l’un de ses soutiens. Reste à voir si la Confédération africaine de football (CAF) et la Fifa entérineront les décisions de l’assemblée générale.