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GenèveDrame des Tattes: isoler un fautif se révèle difficile
Le procès de l’incendie mortel d’un foyer pour requérants d’asile se poursuit. Le tribunal entendait l’ex-coordinateur incendie de l’Hospice général, accusé d’homicide par négligence.
Toujours à la recherche d’un éventuel responsable à qui faire endosser l’issue tragique de l’incendie du foyer pour requérants d’asile des Tattes, qui a fait un mort et quinze blessés graves en novembre 2014, le Tribunal de police entendait ce mardi l’ex-coordinateur incendie de l’Hospice général (lire l’encadré). Autrement dit, l’agent public identifié comme susceptible de personnaliser la faillite de l’Etat dans ce dossier. L’homme, qui conteste avoir commis une infraction, est prévenu d’homicide par négligence. Il lui est reproché d’avoir mal formé les résidents et les agents de sécurité à un incendie, ainsi que d’avoir omis de mener un exercice d’évacuation du bâtiment concerné.
La police ne voulait pas l’exercice
Des réponses qu’il apporte au juge, il ressort qu’isoler une responsabilité n’est pas chose aisée. Certes, aucun exercice d’évacuation de l’immeuble sinistré n’a été organisé, mais c’est parce que la police s’y était opposée. «Elle y était très réfractaire, craignant des débordements et des mouvements violents de certains résidents», explique le prévenu. Dès lors, le projet n’était certes pas abandonné, mais «ni prévu, ni planifié».
Il constate par ailleurs qu’un exercice «n’aurait pas forcément été adapté à la culture» des résidents et juge que celui mené dans d’autres bâtiments du foyer où vivaient notamment des familles, «avait créé des tensions inutiles» et de la panique pour «peu de bénéfices» pour les habitants. Sans compter une organisation extraordinairement complexe, entre projet refusé à deux reprises et pléthore d’entités tierces à aviser.
Formation tardivement créée
C’est pour cela qu’après le drame, l’homme avait opté pour des modules de formation imposés aux nouveaux arrivants. Les consignes leur étaient présentées avec des pictogrammes, puis ils étaient invités à parcourir le chemin de fuite jusqu’au point de rassemblement. Le juge interroge: pourquoi ne pas avoir mis au point ces modules avant l’incendie? «Les bâtiments avaient été classés (ndlr: par l’Etat) comme bâtiments d’habitation, donc ils n’étaient pas soumis à une obligation d’exercice. Puis l’autorité cantonale nous a demandé d’en mettre un sur pied (ndlr: en décembre 2013). Comme cela était difficile, nous sommes arrivés à ces modules.»
La question des consignes aux résidents s’était d’ailleurs posée dès 2011: lors d’un autre sinistre, plusieurs avaient sauté par les fenêtres, alors que le bon comportement consiste à se confiner dans son logement en attendant les secours. Las, les affiches en douze langues étaient régulièrement arrachées par les résidents. Une solution avait finalement été trouvée en utilisant des panneaux en plexiglas davantage résistants.
«Impossible» de faire respecter l’interdiction de fumer
L’interdiction de fumer et de cuisiner dans les chambres, dont le non-respect est la cause directe du drame de 2014, est également explorée par le juge. «J’étais au courant d’un problème récurrent de matériel chauffant et de cigarettes», admet le prévenu. D’ailleurs, peu avant l’incendie, une opération d’évacuation de ce matériel avait débouché sur le remplissage d’une benne pleine. Quant au tabac, «il a été rappelé aux intendants qu’ils devaient faire respecter l’interdiction», dit l’accusé, qui souligne les limites de l’exercice: «À moins de faire des contrôles de type tour de garde en prison, c’est impossible. Il faut mettre en balance l’interdiction de fumer et l’intimité du logement. Si toutes les heures vous ouvrez la porte pour faire un contrôle, ce n’est pas l’idéal.»
L’ex-coordinateur devait encore être interrogé par les avocats. Le procès se poursuivra jusqu’à jeudi avec les dépositions des plaignants, le réquisitoire du parquet et les plaidoiries de la défense.
Un mort, quinze blessés, cinq prévenus