Si vous vivez dans un petit appartement et que vos besoins électriques sont très modestes, vous payez plus par kilowattheure que l’habitant d’une villa bien gourmande. Cet apparent paradoxe est notamment lié au modèle de facturation prévu par la loi.
En 2023, un habitant de Gruyères avec une consommation annuelle de 1660 kwh payera 506,50 francs. Si ses frais par kilowattheure étaient les mêmes que pour le résident d’une maison individuelle vorace (7500 kwh), il n’en payerait plus que 360.
Cette différence est, en partie, la conséquence mécanique du système de facturation inscrit dans la loi fédérale. En effet, celle-ci autorise les distributeurs à inclure dans la facture un abonnement pour financer l’utilisation du réseau. Ce montant fixe ne dépend pas du niveau de consommation des ménages. Il pèse proportionnellement beaucoup plus sur les petits consommateurs.
La jungle des frais d’utilisation du réseau
Cette facturation de l’utilisation du réseau varie beaucoup dans l’ensemble du pays. La « pénalisation » qui en découle pour les petits consommateurs est elle aussi très différente d’une région à l’autre. Dans le canton de Fribourg par exemple, les petits consommateurs payent 40% de plus en moyenne par kilowattheure. Le Groupe E facture 80 francs l’abonnement annuel avec tarif simple et 120 celui avec tarif double (qui permet de payer moins l’électricité en dehors des heures de forte demande).
Contacté par la RTS, le distributeur de courant donne quelques explications concernant ce montant. « Il ne couvre pas d’élément spécifique mais est calculé en tenant compte notamment des installations nécessaires pour tout type de client (compteur d’électricité, service après-vente, etc.). Le reste des coûts, qui constitue la majeure partie de la facture, se base sur un tarif variable, notamment afin de favoriser les économies d’énergie. Il faut rappeler que Groupe E respecte strictement le cadre légal qui régit le calcul de ses tarifs. »
Dans les cantons de Vaud et du Valais, Romande Energie propose des abonnements mensuels de 7 ou 8 francs, combinés avec une contribution dépendante du niveau de consommation. Aux Services Industriels de Genève ou de Lausanne, l’utilisation du réseau est facturée de manière totalement proportionnelle à la quantité d’électricité distribuée. Un modèle de financement qui soulage les ménages les moins énergivores. Si vos besoins sont modestes, vous serez donc traités de manière très différente selon où vous vivez.
Le surveillant des prix critique
Ces contributions à l’utilisation du réseau devraient refléter « les coûts d’exploitation et les coûts de capital d’un réseau sûr, performant et efficace », selon la loi sur l’approvisionnement en électricité.
La surveillance des prix se montre toutefois critique sur la manière dont ils sont établis. « Le problème c’est que la loi permet des intérêts beaucoup trop hauts sur le capital investi dans les réseaux », explique Beat Niederhauser, suppléant au Surveillant. « Il y a notamment un risque que les opérateurs utilisent ces rendements excessifs pour financer l’achat de courant ». Autrement dit, qu’ils utilisent les recettes d’utilisation du réseau pour réduire le prix du kilowattheure, plus particulièrement celui des gros consommateurs, ce qui pénaliserait doublement les ménages les plus économes.
Certes, même à Genève et Lausanne, une différence du prix par kilowattheure demeure. Beaucoup plus faible qu’en Valais ou à Fribourg, elle est due à un autre phénomène: la villa individuelle qui sert de modèle est équipée d’appareils très gourmands, notamment un chauffe-eau, dont le fonctionnement peut être programmé aux heures creuses. Le kilowattheure peut y être acquis à moindre frais. Une réalité économique qui n’incombe pas, dans ce cas, aux distributeurs.
Tybalt Félix
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