Le virage toujours plus à droite du Parti conservateur du Canada m’inquiète depuis plusieurs années. Pour des raisons environnementales autant que sociales.
Mais apprendre que les 50 dernières vidéos YouTube de son nouveau chef, Pierre Poilievre, comprenaient un mot-clic caché se référençant à un mouvement qui promeut la haine des femmes m’a donné froid dans le dos.
Pourquoi c’est épeurant ?
#mgtow est l’acronyme pour « Men Going Their Own Way ». En français : « Les hommes suivent leur propre chemin ».
Ce mouvement n’a rien de banal.
Comme me l’expliquait ma collègue Mélanie Millette, professeure agrégée au Département de communication sociale et publique de l’UQAM et spécialiste du numérique : « Les MGTOW font partie de ce qu’on appelle la manosphère : une partie de l’internet misogyne qui est composée de mouvements plus ou moins organisés, comme les Incels, et ayant comme transversale la haine des femmes. »
Ces mouvements en pleine croissance sont passés maîtres dans l’art de faire circuler un discours qui présente les femmes comme une menace pour les hommes.
Selon leur idéologie, les hommes seraient les victimes d’une société trop égalitaire entre les sexes qui leur ferait perdre des privilèges autrement dus par le simple fait qu’ils sont nés hommes.
Ainsi, dans la manosphère, les femmes sont présentées comme étant les ennemies des hommes et leurs subordonnées sexuelles dont la seule fonction serait la procréation. On y banalise la violence à leur égard. On l’encourage même de manière directe dans certains réseaux.
L’extrémisme violent à caractère idéologique de certains cybermouvements misogynes est tel que le Service canadien du renseignement et de sécurité (SCRS) les considère comme une menace réelle à la sécurité.
Alors que les féminicides font l’actualité à répétition, il est impératif de se questionner sur le rôle que peuvent jouer des cybermouvements misogynes comme #mgtow dans la banalisation, et même la promotion, de la violence faite aux femmes.
Poilievre était-il au courant ?
Le nouveau chef du Parti conservateur a nié être au courant qu’un mot-clic caché référençait ses vidéos auprès des adeptes #mgtow. Il a publiquement condamné la misogynie.
Sachant à quel point Pierre Poilievre accorde de l’importance à ses stratégies web et étant donné sa proximité connue avec des gens de l’extrême droite comme Jeremy Mackenzie de Diagalon, il y a matière à douter.
Mais même si on lui donne le bénéfice du doute, il y a nécessairement dans son cercle proche des gens qui courtisent les misogynes.
Ainsi, cette affaire confirme le croisement entre des personnes qui adhèrent à une idéologie misogyne promue par les MGTOW et les idées conservatrices de Pierre Poilievre.
La proximité des intérêts entre les vidéos de Pierre Poilievre et des mouvements comme MGTOW est d’ailleurs telle qu’ils sont associés par algorithme dans YouTube.
Chose certaine, les conservateurs font des clins d’œil aux misogynes pour les amener à leur parti.
En d’autres mots, ils les « cruisent » pour reprendre l’image partagée par Andréanne Larouche, porte-parole du Bloc Québécois en matière de condition féminine.
Alors que la montée des populismes à travers le monde vient fragiliser les démocraties, le Canada ne semble plus y échapper.
