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Main-d’oeuvre: une pénurie d’arbitres jamais vue au Québec

Main-d’oeuvre: une pénurie d'arbitres jamais vue au Québec


La pénurie d’arbitres sur les terrains de la province est pire que jamais et un jeune officiel de Québec dénonce haut et fort les insultes et commentaires disgracieux criés à ses collègues qui les incitent de plus en plus à déserter les terrains.

« T’es le pire arbitre de toute la ligue ! » Cette phrase criée depuis les estrades plus tôt cet été par une mère de famille et conjointe d’un entraîneur a été la goutte qui a fait déborder le vase pour l’arbitre Jean-Nicolas Leroux. 

Le jeune homme de 16 ans, qui officie pour l’Association de baseball Noroît, à Québec, s’est remis en question après cette partie de niveau 15U B. Après quatre ans dans le métier, cette autre salve disgracieuse a failli avoir raison de sa passion. 


Au football comme dans la majorité des sports, la pénurie d’officiels est criante.

Photo Didier Debusschere

Au football comme dans la majorité des sports, la pénurie d’officiels est criante.

« Je commençais à être tannée. J’arbitre au baseball parce que j’aime ça. Pis là, de te faire crier tout le temps dessus, tu te demandes si t’es bon pour arbitrer, si t’es à ta place. […] À un moment donné, t’es pas sûr si t’es correct. Ça commence à te rentrer dans la tête », énumère Jean-Nicolas, qui avait déjà eu droit à d’autres commentaires peu élogieux de la part de ce même entraîneur.

L’arbitre en chef de la région de Québec, Mathieu Marcoux a dû intervenir pour s’assurer de garder les services de son officiel. Désormais, Jean-Nicolas ne se rend plus aux matchs où est impliquée l’une des deux équipes de l’entraîneur en question. 

Insultes à la chaîne

« Pourri ! », « t’es un pas bon », « t’es aveugle »… La liste est longue quand l’étudiant énumère ce qu’il a pu endurer. Et il est loin d’être le seul.

Cet été, seulement dans la région de Québec, ce sont 15 officiels qui ont choisi de quitter, écœurés de servir de paratonnerre aux parents, enfants et entraîneurs insatisfaits d’une décision, indique Mathieu Marcoux. « Je perds 40 % d’arbitres niveau 1 chaque année ».

Et la situation n’est pas différente ailleurs dans la province. Le phénomène touche le sport scolaire, le hockey, le soccer et le football (voir encadrés).

C’est pour cette raison que Sylvain Saindon, directeur technique chez Baseball Québec, a publié une lettre ouverte à tous les parents de la Fédération à la fin du mois d’août. L’hostilité sur les terrains de baseball et dans les estrades cause beaucoup de tort au sport, estime-t-il.

« Une crise »

En 2021, M. Marcoux a fait une sortie sur les réseaux sociaux après qu’un entraîneur a menacé une arbitre de 16 ans de la « sortir en civière ». 

Les deux officiels de ce match n’arbitrent plus du tout. « On voit qu’il y a une crise. Les parents ne sentent même pas que leurs jeunes [arbitres] sont en sécurité sur un terrain de balle dans un match 9U ou 11U. C’est là que c’est un peu épeurant », dit-il.

Jean-Nicolas espère que son témoignage fera changer les mentalités. Le ton calme et les idées claires, il arpente ses quelques notes préparées avant l’entrevue pour bien faire passer le message.

Il a vu plusieurs de ses collègues quitter la profession et sait qu’il y a un manque cruel de relève.

Pour stopper l’hémorragie, Jean-Nicolas suggère à ceux tentés par une envolée lyrique digne des ligues majeures de se mettre à la place du parent de l’officiel. « J’aimerais qu’ils pensent que ça pourrait être leur fils », dit-il candidement.  

« Un mur se dressera devant nous » 

Entre 2019 et 2022, Baseball Québec a perdu près de 900 de ces 2109 arbitres. Pendant ce temps, le nombres de membres a bondi de près de 6 %. « Nous c’est encore plus catastrophique. Ça fait plus de 10 ans consécutifs qu’on a une augmentation de 7 à
10 % de notre membership. Et les arbitres, ça va dans l’autre sens. Je vous annonce qu’un mur se dressera devant nous », constate Sylvain Saindon, directeur technique chez Baseball Québec et entraîneur de haut niveau depuis 35 ans.

Ces chiffres l’ont notamment incité à publier une « Lettre ouverte aux parents » à la fin du mois d’août, durant les séries éliminatoires. M. Saindon déplore « l’intimidation chronique » à laquelle sont confrontés les arbitres et note qu’elle est un facteur important dans la rétention des officiels. Plusieurs quittent dans les trois premières années. 

« Les arbitres en 1ère, 2e et 3e année essaient de bâtir leur confiance. S’il faut crier après tout le temps, ils ne reviennent plus », dit-il. 

Problématique depuis la pandémie

Le Réseau du sport étudiant québécois (RSEQ) « ne s’attend pas à avoir une saison facile » concernant les arbitres, mais se réjouit de voir la Direction du Loisir, du sport et de l’activité physique (DSLAP) débuter des travaux afin d’aider les Fédérations sportives à trouver des pistes de solutions à la problématique grandissante.

Le PDG du RSEQ, Gustave Roel, estime à 25 % la perte d’officiels pour l’ensemble des fédérations sportives. « La problématique a vraiment pris de l’ampleur à partir de la pandémie. Ceux qui envisageaient déjà de laisser l’arbitrage, ç’a accéléré le processus d’abandon. Et les fédérations n’ont pas été en mesure de faire de la promotion puisqu’il n’y avait pas de sport dans les écoles », explique-t-il.

M. Roel prévient qu’il « pourrait arriver » que des matchs soient joués sans arbitre mais que ce n’est pas la première alternative envisagée. Il note que les injures lancées aux arbitres « n’aident surtout pas » à contrecarrer la pénurie. 

Une solution pour le hockey

« La solution [à la pénurie d’officiels] passe par l’encadrement », avance Marc Maisonneuve, coordonnateur des officiels chez Hockey Québec dep uis sept ans. « La clé du succès qu’on a au niveau principal ça a toujours été notre programme de supervision. Si les jeunes sont laissés à eux-mêmes sur la glace, ils sont plus sujet à faire des erreurs, ce qui emmène de la frustration. Avec la frustration peut venir des débordements. » Mais pour y arriver, M. Maisonneuve reste conscient qu’il faut réussir à garder les arbitres, dont le nombre a chuté de 4599 en 2019-2020 à seulement 2770 en 2020-2021. L’incertitude liée à la saison de hockey en raison de la pandémie et les insultes lancées envers les hommes zébrés expliquent cette pénurie. 

Pénurie « alarmante » au football

« C’est vraiment une situation qui est alarmante en ce moment. » Hugo Dallaire, responsable de l’assignation des arbitres au football scolaire dans la région de Québec, ne mâche pas ces mots quand il aborde le manque d’arbitres sur les terrains de football. L’Association provinciale des arbitres de football du Québec compte 335 officiels en ce moment, selon M. Dallaire. Un nombre bien plus bas que celui « des grosses années », durant lesquelles 500 officiels garnissaient ses rangs.

Il donne l’exemple d’un match à l’école Saint-Jean-Eudes, disputé le 10 septembre dernier. « Samedi, ça me prendrait entre 9 et 12 officiels pour couvrir Saint-Jean-Eudes. Il va y en avoir trois », lâche-t-il. 

Même si les arbitres peuvent parfois être la cible de commentaires par des spectateurs, il ne s’agit pas d’un problème chronique au football, avance M. Dallaire. » 

« On a été somme toute épargné par ça dans la région. 95 % de nos officiels sont des adultes. C’est plus difficile crier après eux qu’un enfant de 13 ans. Et quand on sort du terrain, on est plusieurs arbitres ensemble contrairement au baseball où l’arbitre peut être seul. » 

Baseball: Plus de joueurs, moins d’arbitres

2019 

  • 32 936 joueurs 
  • 2109 arbitres

2021 

  • 33 352 joueurs  
  • 1523 arbitres

2022 

  • 35 275 joueurs  
  • 1207 arbitres

*Les chiffres pour 2020 sont manquants en raison de la pandémie

Source : Baseball Québec



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