Publié le :
L’État, qui détient déjà 84 % d’EDF, a annoncé mardi son intention de lancer une offre publique d’achat (OPA) pour le renationaliser à 100 %, une opération à 9,7 milliards d’euros destinée à sortir le groupe de son ornière financière et industrielle.
Le premier fournisseur d’électricité dans l’Hexagone et en Europe bientôt de retour dans le giron de l’État français ? Celui-ci, qui détenait déjà 84 % du géant électrique, a annoncé mardi 19 juillet son intention de lancer une offre publique d’achat (OPA) pour le renationaliser à 100 %. Une opération à 9,7 milliards d’euros, motivée par une ambition : faire sortir le groupe de son ornière financière et industrielle.
Le gouvernement a choisi la voie la plus simple, au lieu d’une loi de nationalisation – qui aurait été la première depuis 1981 – il envisage de déposer l’offre d’ici à début septembre auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), avec l’objectif de terminer l’opération fin octobre.
Ce sera cependant sous réserve que le Parlement vote les crédits nécessaires, dans la loi de finances rectificative pour 2022 en cours d’examen à l’Assemblée nationale.
Un prix par action jugé « clairement insuffisant »
L’État propose de racheter les 15,9 % du capital restant à acquérir à 12 euros l’action, soit 53 % plus haut que le cours de la veille de l’annonce de l’intention de renationalisation, et 34 % au-dessus de la moyenne des cours des douze mois précédents, souligne Bercy.
La cotation d’EDF, suspendue le 13 juillet, a repris et le cours a convergé dans la matinée vers 11,75 euros. Le prix est une question clé pour un groupe qui, entré en Bourse en fanfare en 2005, a vu son action dégringoler, de 32 euros fin 2005 à moins de 8 avant l’annonce de renationalisation.
« Le prix de 12 euros par action nous apparaît clairement insuffisant, notamment au regard de ceux qui ont souscrit en 2005 et qui ont conservé leur action », à 32 euros pour les particuliers et 25,60 euros pour les salariés, a réagi Énergie en actions, une association qui représente des actionnaires salariés.
Mardi, EDF a réuni son conseil d’administration pour créer un « comité ad hoc », composé de quatre administrateurs dont un élu par les salariés. Ce comité sera chargé d’émettre une recommandation sur l’intérêt de l’offre, et trouver un expert indépendant. Sur cette base, le conseil émettra un avis motivé.
La première étape d’un vaste chantier
Ce retour de l’État à 100 % dans EDF avait été annoncé le 6 juillet par la Première ministre, Élisabeth Borne, dans son discours de politique générale.
« Cette opération donne à EDF les moyens nécessaires pour accélérer la mise en œuvre du programme de nouveau nucléaire voulu par le président de la République, et le déploiement des énergies renouvelables en France, » a déclaré mardi Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie. Le groupe, surendetté, est confronté à de lourdes charges financières et de vastes chantiers industriels.
Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’un programme de six réacteurs nucléaires EPR, voire 14, dont le seul modèle actuellement en construction en France, à Flamanville (Manche), accuse plus de dix ans de retard. EDF doit aussi gérer l’entretien d’un parc vieillissant : plus de la moitié de ses 56 réacteurs est à l’arrêt, pour maintenance ou des problèmes de corrosion apparus récemment.
Plombé par une dette qui pourrait atteindre plus de 60 milliards d’euros fin 2022, EDF a vu sa situation financière encore dégradée par la décision du gouvernement de lui faire vendre davantage d’électricité bon marché à ses concurrents pour protéger la facture des ménages.
La nationalisation à 100 % ne devrait donc être que la première étape d’un vaste chantier. Ses dossiers prioritaires : quelle régulation pour le partage du nucléaire actuel, dont les revenus partent largement à ses concurrents via la vente d’électricité à bas coût, et comment financer le nouveau nucléaire. Le tout impliquera des discussions avec Bruxelles et d’éventuelles réformes pour le groupe.
« Ce n’est pas le bout des projets que nous avons pour EDF, s’agissant tant de sa production que de son organisation, mais c’est une étape très importante », indique-t-on à Bercy. Dans ce contexte, l’État veut annoncer une nouvelle gouvernance en septembre, en remplacement du PDG actuel, Jean-Bernard Lévy, devançant de quelques mois un départ lié à son âge.
Mais d’ores et déjà, le député LFI Éric Coquerel prévient: « on est pour un pôle public de l’énergie ». Mais « ça va nous être difficile de voter un amendement [de financement de la renationalisation] sans comprendre ce qu’est le projet à venir », a-t-il dit à des journalistes.
Le précédent plan « Hercule », combattu par les syndicats, prévoyait une unité publique incluant le nucléaire, et une autre dédiée à des activités ouvertes à la concurrence. Le projet a été suspendu.
Avec AFP