Le vapotage est en hausse chez les jeunes, qui sont même de plus en plus nombreux à utiliser leur cigarette électronique à l’intérieur des écoles secondaires, déplorent des intervenants scolaires.
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La quasi-totalité des jeunes vapoteurs rencontrés par Le Journal cette semaine aux abords de deux établissements secondaires de Québec ont affirmé avoir déjà utilisé leur cigarette électronique à l’intérieur de l’école.
Certains osent même «vaper» en classe, lorsque l’enseignant a le dos tourné. «Je t’ai vue ce matin, pendant le cours de math», a lancé un garçon à l’une de ses amies, sourire en coin.
Une autre élève de 13 ans, qui vapote depuis déjà deux ans, le fait aussi régulièrement à l’intérieur. «On se donne rendez-vous dans les toilettes pendant les cours», explique-t-elle. Une de ses amies, qui s’est déjà fait prendre en flagrant délit, a reçu un avertissement et un appel à la maison pour en informer ses parents.
Hausse «fulgurante»
La popularité grandissante du vapotage chez les jeunes, qui s’infiltre maintenant entre les murs des écoles, préoccupe plusieurs intervenants scolaires.
«On en voit de plus en plus dans les salles de bain, dans les vestiaires, dans les classes», déplore Martine Labbé, éducatrice spécialisée à l’école secondaire Saint-Marc, dans Portneuf.
Dans cet établissement, un élève sur trois vapote de façon occasionnelle ou régulière, peu importe l’âge. En première secondaire, plus de la moitié des jeunes ont déjà essayé la cigarette électronique.
«En cinq ans, on a vu une augmentation fulgurante, c’est vraiment inquiétant. Ils banalisent tellement ça, ils ne se rendent pas compte que la nicotine crée une dépendance», ajoute Mme Labbé.
C’est justement parce que les jeunes sont «accros» à la cigarette électronique qu’ils ne peuvent s’empêcher de vapoter à l’intérieur des écoles secondaires, affirme Annie Papageorgiou, directrice générale du Conseil québécois sur le tabac et la santé.
«Plusieurs écoles nous contactent parce qu’ils ne savent plus quoi faire avec la problématique. C’est clair que c’est présent», dit-elle.
L’organisme travaille présentement avec environ 80 écoles secondaires à travers la province qui ont mis en place des plans d’action afin de contrer le vapotage chez les jeunes, comme c’est le cas à l’école secondaire Saint-Marc.
Les faits d’abord
La stratégie développée mise d’abord sur l’information et la prévention, plutôt que la répression. «On veut enlever le coolness associé au vapotage pour parler des faits. On sait qu’avec les adolescents, sensibiliser et informer a plus d’impact que de donner des conséquences», affirme Mme Papageorgiou.
Or la plupart des élèves rencontrés par Le Journal sont bien conscients des impacts néfastes du vapotage sur leur santé. Mais pour plusieurs, le mal est déjà fait.
«J’ai commencé à vapoter il y a deux ans, parce que c’était cool. Maintenant, je continue parce je suis accro, lance une élève âgée de 16 ans. J’ai essayé plusieurs fois d’arrêter, mais je ne suis pas capable.»
CINQ FOIS PLUS DE JEUNES LE FONT
■ Le nombre de jeunes Québécois de 11 à 17 ans qui vapotent a quintuplé en six ans, passant de 4 % à 21 % entre 2013 et 2019.
■ En quatrième et cinquième secondaire, un tiers des élèves vapotent.
■ Les jeunes qui utilisent la cigarette électronique sont quatre fois plus à risque de fumer la cigarette traditionnelle.
■ La consommation de la vapoteuse peut favoriser le développement de troubles d’anxiété et de concentration, tout en ayant des effets sur le développement du cerveau.
Sources : Institut national de santé publique du Québec, Institut de la statistique du Québec, gouvernement du Canada (Les risques du vapotage, 2020).
Québec tarde à mieux encadrer le vapotage
Près de deux ans après avoir promis de mieux encadrer les produits de vapotage, Québec tarde toujours à agir, déplore le Conseil québécois sur le tabac et la santé.
En décembre 2020, un rapport de la direction nationale de santé publique recommandait d’interdire la vente des produits de vapotage comportant une saveur autre que celle du tabac et de limiter à 20 mg/ml la concentration maximale en nicotine de tous les produits de vapotage.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait alors promis de «s’attarder rapidement» à mettre en place ces deux mesures.
Le premier tour de vis est toutefois venu du gouvernement fédéral. En 2021, Ottawa a limité la concentration maximale en nicotine pour les produits de vapotage à 20 mg/ml.
Or il reste encore un grand pas à franchir, selon le Conseil québécois sur le tabac et la santé.
«La chose la plus importante qui selon nous doit être faite, c’est l’élimination des saveurs. Il ne faut plus permettre de saveur dans les produits de vapotage autre que neutre ou tabac. Les jeunes nous disent que s’il n’y avait pas de saveur, ils n’auraient pas commencé à vapoter», affirme sa directrice générale, Annie Papageorgiou.
Les liquides à vapoter sont présentement disponibles en plusieurs saveurs alléchantes, comme pêche, menthe polaire ou orange sanguine.
Pas assez loin
Le gouvernement fédéral a présenté l’an dernier un projet de règlement qui interdirait tous les arômes dans les produits de vapotage, excepté trois saveurs: menthe, menthol et tabac.
Cette initiative ne va pas assez loin, selon Mme Papageorgiou. «Le menthol, c’est la deuxième saveur préférée des adolescents. Aidez-nous à aider nos jeunes en éliminant complètement les saveurs», plaide-t-elle.
Au ministère de la Santé, on réitère que le ministre Dubé «s’est engagé à agir pour encadrer le vapotage». «D’un point de vue de santé publique, il demeure primordial de s’assurer que ces produits sont correctement encadrés», ajoute sa porte-parole, Marie-Claude Lacasse.
Entre-temps, des groupes d’entraide s’organisent dans plusieurs écoles secondaires pour aider les jeunes à se défaire de leur dépendance à la nicotine.
Le Conseil québécois sur le tabac et la santé travaille par ailleurs sur le développement d’une application pour accompagner ceux qui veulent arrêter de vapoter.