Des automobilistes déjà pris en otage par le trafic du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine angoissent à l’idée de passer encore plus de temps dans leur voiture dès novembre quand les nouveaux travaux les priveront de trois voies sur six jusqu’en 2025. Le Journal a recueilli les témoignages de ces citoyens qui vivent déjà l’enfer au quotidien.
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Moins de temps avec sa fille handicapée
Chaque jour, Suzanne Lebreux (à droite) passe trois heures sur la route, ce qui la prive d’un temps précieux avec sa fille de 34 ans Jennifer (à gauche), atteinte de paralysie cérébrale.
« Un soir, ça m’a pris quatre heures, revenir chez moi. Ça va être pire quand il va y avoir une seule voie. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis prise en otage », soupire la mère monoparentale de Repentigny, qui travaille dans un atelier de camionnage à Boucherville pour joindre les deux bouts. Elle ne peut pas vraiment déménager, car sa maison est adaptée à sa fille handicapée. Quant à son travail, il ne peut se faire qu’en présentiel.
Elle regrette le grand confinement de mars 2020. Sans trafic, elle se rendait au travail 23 minutes et passait plus de temps avec sa grande fille.
Des quarts de nuit pour fuir le trafic
Même avec leurs horaires atypiques, Chantal Morin et son conjoint subissent le trafic du tunnel qui les mène de la Rive-Sud à l’hôpital où ils travaillent comme préposés.
Le couple prévoit deux heures de route pour arriver à temps au travail, à 16 h. Pour éviter le détour par le pont Jacques-Cartier quand le tunnel est fermé la nuit, les deux anges gardiens acceptent de travailler 16 heures d’affilée, jusqu’à huit heures du matin. Avec les travaux, ils songent carrément à changer d’hôpital.
« On n’est plus jeunes, on a 47 et 56 ans, je ne sais pas si on pourra se replacer ailleurs. Ça signifierait perdre toute l’ancienneté qu’on a accumulée », se désole Chantal Morin, qui travaille au même endroit depuis 20 ans.
Pas de transport en commun
Julia Peccia part aux aurores pour se rendre de Montréal-Est à son bureau à Brossard, où elle occupe son emploi de rêve en urbanisme.
Mais même avant 7 h, elle se heurte parfois quand même à un tunnel bloqué. À partir de l’est de Montréal, « parent pauvre du transport en commun », elle calcule qu’il lui faudrait au moins une heure et demie pour se rendre au travail en métro et en autobus.
« Trois ou quatre heures de transport par jour, même à une ou deux journées par semaine, ça n’a pas de bon sens », lâche-t-elle.
Elle estime que le ministère des Transports laisse tout simplement tomber les Montréalais qui travaillent sur la Rive-Sud en laissant une seule voie du tunnel ouverte dans cette direction.
Pas d’option à part angoisser
Pour Emily Fleming-Dubuc, il y a toujours quelque chose dans le tunnel : des accidents, des voitures qui se coupent, des fermetures…
« C’est l’enfer à l’heure de pointe à juste deux voies. Quand il y a un accident, ça prend une demi-heure de plus. Je ne sais pas comment ils vont faire à une voie », s’inquiète l’étudiante en intervention en milieu correctionnel au cégep de Sorel-Tracy.
Le matin d’un accident, la résidente de Tétreaultville a passé 40 minutes dans le trafic de la rue Hochelaga sans atteindre le tunnel. Elle a fini par se décourager et rentrer chez elle.
« Je ne sais pas quoi faire à part angoisser », laisse tomber la jeune femme.
Une raison de plus de démissionner
Pour les employés de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à la sortie du tunnel, le trafic est une raison de plus pour penser à démissionner.
« C’est un mal de tête. Tu veux prendre les transports en commun, mais c’est la qualité de vie qui en prend un coup. Même si tu ne chauffes pas, c’est quand même 3 heures de transport en commun par jour », explique Jean-Sébastien Sirois, qui habite à Longueuil. Sans navette directe vers l’hôpital, il croit que plusieurs de ses collègues donneront leur démission.