Ce n’est évidemment pas la première fois que le football pose un problème de conscience à ses passionnés. Mais, cette fois, il leur sera plus difficile de ne pas l’avoir mauvaise (leur conscience), s’ils décident de suivre la Coupe du monde de football au Qatar, du 20 novembre au 18 décembre.
Rien ne va plus de soi pour cette 22e édition de la compétition, dont la singularité tient moins à sa tenue en automne – pour la première fois de l’histoire, afin d’échapper aux températures estivales extrêmes de l’émirat – qu’au sentiment d’absurdité qui en émane.
La perte de sens résulte d’abord du choix sidérant du pays d’accueil, micro-Etat richissime mais sans tradition footballistique, décision qui déclencha une litanie de procédures judiciaires internationales pour corruption. Douze ans plus tard, le Mondial aura bien lieu à Doha et dans sa banlieue, mais il n’est plus certain qu’il constituera une victoire pour l’émirat.
Le totem du boycott
Il y a ce bilan humain effarant, dont l’unité est le millier de morts, sur les chantiers du pays, et l’aberration écologique de ces huit stades climatisés de 40 000 à 80 000 places – sept nouveaux – serrés dans une agglomération de 800 000 habitants, dont les tribunes n’étaient pas remplies lors des Mondiaux d’athlétisme en 2019.
Alors, à deux mois du coup d’envoi de la compétition resurgit un mot totémique, un mot d’ordre : le boycott, et les appels qui viennent avec, de la part d’anciens footballeurs comme Philipp Lahm ou Eric Cantona, de personnalités ou d’anonymes. Mais quel boycott ?
Aucune des trente-deux fédérations qualifiées n’a sérieusement envisagé de ne pas envoyer sa sélection nationale. Avec ses relents de guerre froide, un boycott institutionnel n’est tout simplement plus d’époque et, faute d’avoir été pensé des années plus tôt, il est devenu complètement chimérique.
Malgré leur politisation croissante, inutile de rêver que des footballeurs sélectionnés prennent sur eux de rester à la maison. L’abstention des médias spécialisés n’est pas plus probable, l’enjeu étant plutôt l’exposition qu’ils accorderont aux sujets polémiques.
Le « boycott diplomatique », expérimenté pour les JO d’hiver de Pékin, peut prendre un peu de place dans l’actualité, mais on peut imaginer que ses effets seront aussi négligeables que l’absence d’un sous-préfet à l’inauguration d’une médiathèque.
Dans leur grande majorité, les ONG de défense de l’environnement et des droits humains ne préconisent même pas la politique du siège vide, préférant profiter de l’événement pour porter leurs messages.
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