Cantons, assurances, syndicats, secteur médical: tous les milieux regrettent l’augmentation moyenne de 6,6% des primes d’assurances maladie pour 2023. Les solutions proposées pour contenir la hausse ou atténuer ses effets divergent toutefois passablement. Tour d’horizon des réactions.
CANTONS – Mesures pour limiter les effets de la hausse
Le canton de Neuchâtel, qui enregistre la plus forte hausse des primes maladie avec +9,5%, aimerait limiter la consommation effrénée de prestations médicales. Le Conseil d’Etat neuchâtelois veut reprendre la main pour éviter un rationnement progressif, sans priorisation. « Il faut restituer des moyens de pilotage » au politique pour que des priorités claires de santé soient introduites.
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Interrogée dans Forum, Florence Nater, cheffe du département neuchâtelois de l’emploi et de la cohésion sociale, ne cache pas sa surprise. « Cette hausse n’est clairement pas acceptable. Les différentes hausses des prix, des primes ou de l’énergie, ne vont pas impacter tout le monde de la même manière. » Et d’ajouter: « Ça va être difficile pour les bas et moyens salaires. La situation est particulièrement difficile pour le canton de Neuchâtel. On s’attendait à une hausse, mais pas de cette ampleur là. »
>> L’interview complète de Florence Nater dans Forum:
Le canton de Fribourg, qui enregistre une hausse moyenne de 7,3% des primes, va de son côté augmenter de 7,4 millions de francs l’an prochain ses subsides pour l’assurance maladie. Plus d’un quart de la population du canton bénéficie déjà d’une réduction de primes.
En Valais, le Conseil d’Etat veut lui aussi augmenter ses subsides à l’assurance maladie l’année prochaine, pour aider les ménages modestes à faire face à la hausse des primes. Il va proposer au Parlement d’allouer 14 millions supplémentaires par rapport à 2022.
Dans le canton de Vaud, la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz demande aux élus fédéraux de « s’extraire du lobbying permanent » des acteurs de la santé. Elle estime que cette situation « délétère » empêche les Chambres fédérales de prendre les mesures nécessaires pour limiter les coûts de la santé.
Le ton est un peu moins amer du côté de Genève, où les primes augmenteront de 4,7% en moyenne, une des hausses les moins importantes du pays. « C’est un juste retour des choses, mais la hausse reste importante », selon le conseiller d’Etat Mauro Poggia, en charge de la Santé.
Invité dans Forum, Mauro Poggia ne fanfaronne pas malgré le relativement bon résultat de son canton. « La joie est de courte durée dans ce domaine. Un jour on est épargné et l’année suivante on est bastonné. » « Genève essaie depuis des années de favoriser les soins à domicile comme alternative à l’hospitalisation. Je pense que ça paie après un certain temps. Mais les pourcentages sont relatifs, car nous avons les primes les plus élevées, donc en chiffres absolus, je ne suis pas sûr que les Genevois et Genevoises s’en sortent vraiment mieux. »
Pour le Gouvernement jurassien, l’annonce des primes 2023 a un goût amer pour les ménages qui vont subir une hausse « particulièrement » marquée. Mais il relève aussi la très grande disparité entre les assureurs. Certains prévoient des hausses de plus de 15% alors que d’autres annoncent des baisses.
Dans le canton de Berne, le directeur de la santé Pierre Alain Schnegg exige une meilleure mise en réseau pour faire face à l’augmentation des primes. Le canton de Berne et les autres cantons doivent faire avancer « rapidement et de manière résolue » les soins de santé intégrés.
Le président de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé Lukas Engelberger déplore également la forte augmentation des primes, qui était pourtant attendue. Il craint que la progression continue des coûts de la santé n’entraîne de nouvelles hausses.
>> Notre comparateur de primes: Les primes maladie décollent: comparez les prix et les prestations
SECTEUR MÉDICAL – Pour des financements complémentaires
Le renchérissement en cours n’est pas compris dans les primes maladie 2023, relève l’organisation faîtière des hôpitaux H+. Ceux-ci voient leurs coûts gonfler mais, contrairement à d’autres entreprises, ne peuvent pas répercuter la hausse sur leurs prix, du moins pas dans l’assurance obligatoire.
La Fédération des médecins suisse FMH « regrette » elle aussi la forte hausse des primes. A ses yeux, cette augmentation « n’aurait pas lieu d’être »: deux importantes réformes bloquées depuis longtemps pourraient contribuer à freiner la croissance des coûts et l’augmentation des primes.
Il faut cesser la « réglementation excessive » du secteur de la santé, estime l’Association des entreprises suisses de santé (Ospita). La « politique de planification » via notamment les rationnements n’a pas porté ses fruits et doit être arrêtée, réagit-elle.
ASSURANCES – Pour davantage de génériques et de contrôle
Les faîtières des assurances maladie Santésuisse et Curafutura demandent aux acteurs politiques de prendre le taureau par les cornes pour freiner les coûts de la santé. Car elles redoutent que la hausse des coûts – et donc celle des primes – se poursuive.
Santésuisse plaide pour des tarifs forfaitaires pour les prestations médicales. La faîtière demande aussi de réduire les offres médicales excessives, appelant les cantons à jouer un rôle actif en limitant le nombre de médecins.
Concernant les médicaments, l’organisation réclame davantage de génériques à des prix plus bas. Enfin, l’Etat devrait accélérer les procédures ETS (évaluation des technologies de la santé) et exclure systématiquement du catalogue les prestations qui ne remplissent pas les critères.
DÉFENSE DES CITOYENS – Pour des subsides supplémentaires
La hausse importante des primes est « l’aboutissement d’un échec collectif annoncé », dénonce la Fédération romande des consommateurs (FRC). Selon elle, rien n’a été entrepris en faveur des assurés.
L’Union syndicale suisse (USS) évoque « un véritable choc des primes-maladie ». Pour la faîtière syndicale, le seul moyen durable « est d’amener une part de financement par le biais de ressources prélevées en fonction des revenus », comme ailleurs en Europe.
Une extension des subsides s’impose pour faire face à la hausse importante des primes maladie, estime mardi de son côté l’oeuvre d’entraide catholique Caritas. De nombreuses personnes, proches du seuil de pauvreté, se retrouvent en difficulté.
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asch avec ats