Animaux voraces, pilleurs sans scrupules, viols collectifs, meurtres gratuits : bienvenue dans le bouchon du Darién, un endroit désigné par plusieurs comme le plus dangereux au monde.
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«Le bouchon du Darién, c’est un lieu sans loi. En fait, c’est la loi du plus fort», résume à notre Bureau d’enquête Ohigginis Arcia Jaramillo, journaliste pour le quotidien La Prensa, au Panama.
Les migrants qui veulent rejoindre le Canada ou les États-Unis à partir du sud doivent y marcher pendant des jours, dans des conditions exécrables et périlleuses. Au terme d’un éreintant voyage, certains d’entre eux emprunteront le désormais célèbre chemin Roxham, principale porte d’entrée du Québec pour ces migrants irréguliers.
Mais avant de franchir cette ultime étape, ils devront affronter plusieurs dangers. Le Darién, ce sont quelque 100 km de jungle dense et accidentée qui séparent la Colombie du Panama, entre les Amériques du Sud et Centrale. Il s’agit du seul endroit entre le nord et le sud du continent n’étant pourvu d’aucune route.
Écoutez l’entrevue avec Denis Therriault à l’émission de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio :
«C’est une réalité qu’on voit depuis quelques années. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Mais le nombre de migrants a augmenté significativement depuis l’an dernier», explique Santiago Paz Noboa, chef de mission au Panama pour l’Organisation internationale pour les migrations, une branche de l’ONU.
BEAUCOUP D’HAÏTIENS
En 2021, quelque 133 726 personnes, dont plus de la moitié étaient d’origine haïtienne, ont franchi le bouchon du Darién, selon des données du gouvernement panaméen. C’est autant que pendant les 10 années précédentes.
Notre Bureau d’enquête est allé à la sortie du Darién pour rencontrer ces migrants qui ont tout risqué dans l’espoir d’une vie meilleure.
«Ils poursuivent le rêve américain. Ils pensent que c’est facile d’arriver aux États-Unis et au Canada et qu’ils vont améliorer leur situation éco- nomique, poursuit M. Paz Noboa. Mais ce n’est pas nécessairement vrai. Ils ne sont pas informés de tous les risques qu’ils courent pendant la traversée.»
DES DIZAINES DE MORTS
Et pour cause: au moins cinquante personnes ont perdu la vie en 2021 lors de la traversée, un chiffre sans doute sous-évalué. Plusieurs enfants figurent au nombre des victimes. Les migrants qui parviennent de l’autre côté n’arrivent jamais indemnes, que ce soit physiquement ou psychologiquement.
«Hier, une femme a perdu son bébé de 8 mois et a dû être évacuée dans un centre de santé, nous confie Nuria Gonzalez, une psychologue en mission pour Médecins sans frontière. Mais ce que je trouve particulièrement difficile, c’est d’entendre des histoires comme des cas de violences sexuelles graves.»
«On retourne à la maison et on y pense encore.»