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La Banque centrale européenne (BCE) a décidé, jeudi, d’augmenter ses taux d’intérêt pour la première fois en plus de dix ans face à l’inflation galopante, choisissant de frapper fort avec une hausse plus importante que prévu malgré la crise politique italienne.
C’est un changement de cap pour la principale institution monétaire de l’Union européenne : jeudi 21 juillet, la Banque centrale européenne a pris le parti d’augmenter ses taux d’intérêt, décision qui n’avait pas été osée depuis 2011. Son objectif ? Endiguer l’inflation trop élevée, et ce sans hésiter à employer la manière forte : la hausse des taux est encore plus importante que prévu, en dépit de la crise politique italienne.
Le « choix de l’audace »
Prise dans un arbitrage complexe entre hausse des prix et craintes pour la croissance, l’institution de Francfort a choisi l’audace : elle relève ses trois taux directeurs de 50 points de base après avoir préparé les esprits à une hausse de 25 points seulement.
Le principal taux d’intérêt passe ainsi de zéro, niveau où il campait depuis 2016, à 0,50 %, tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit, remonte de -0,50 % à zéro.
La décision sur ce tour de vis a été « unanime » face à une inflation qui « restera à un niveau élevé indésirable pendant un certain temps », selon la présidente de l’institution Christine Lagarde.
La hausse des prix en zone euro – 8,6 % en juin – ne cesse de s’accentuer sous l’effet conjugué de la reprise post-Covid, des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et de la crise énergétique liée à l’offensive russe en Ukraine.
La BCE referme ainsi l’ère des taux négatifs entamée en 2014 et clôt une décennie de généreuse politique monétaire qui a permis d’aider l’économie à surmonter les crises des dernières années.
Un horizon économique européen assombri
Ce resserrement de la politique monétaire en zone euro a déjà été amorcé en juillet, avec l’arrêt des nouveaux achats de dette sur les marchés.
Les autres banques centrales sont bien plus actives depuis des mois contre la flambée des prix, comme la Fed américaine qui a fait décoller ses taux en mars.
Mais la tâche de la BCE est plus complexe en raison des menaces grandissantes de coupure des approvisionnements de gaz russe, du risque que fait encourir la crise politique en Italie et de la chute de l’euro.
« L’horizon économique s’assombrit », a résumé Christine Lagarde jeudi, les perspectives se dégradent « pour la seconde moitié de 2022 et au-delà ». En Italie – une des économies les plus vulnérables de la zone monétaire – le Premier ministre et prédécesseur de Christine Lagarde à tête de la BCE, Mario Draghi, a remis jeudi sa démission au président.
Son départ, qui pourrait entraîner des élections anticipées cet automne, a immédiatement fait redécoller le taux d’emprunt italien sur le marché. L’écart avec le taux allemand a atteint un plus haut depuis 2020 et la pandémie.
Pour éloigner le spectre d’une nouvelle crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne a annoncé, jeudi, un nouvel instrument pour protéger les États les plus fragiles contre des attaques spéculatives, accentuant cet écart, « ou spread », de manière injustifiée.
La BCE argumente que ces « spreads » gênent la transmission adéquate de sa politique monétaire. Mais des conditions strictes d’utilisation doivent être définies, les gardiens de l’euro n’ayant pas le droit d’aider budgétairement les gouvernements.
« Le Conseil des gouverneurs déterminera l’éligibilité » d’un pays à ce nouvel outil et « la BCE ne prend pas position sur des questions politiques » internes, a assuré Christine Lagarde sans nommer l’Italie malgré plusieurs questions sur le sujet. Mais « si nous devons l’utiliser, nous n’hésiterons pas », a assuré la Française, martelant que la BCE « est capable de faire les choses en grand ».
Incertitude sur le gaz
En zone euro, la crise du gaz complique également la tâche de la BCE. Le gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne a certes redémarré jeudi après dix jours de maintenance, mais il ne fonctionne toujours pas à plein régime, les livraisons ayant été drastiquement réduites depuis mi-juin.
Un arrêt complet des livraisons de gaz par Moscou plongerait la zone euro dans la récession et une hausse trop rapide des taux aggraverait la situation.
« Nous sommes très attentifs » sur l’énergie et « en particulier sur le gaz » en raison de son impact sur les prix de l’électricité et l’inflation, a indiqué Christine Lagarde.
Une lueur d’espoir dans la nuit européenne toutefois : l’économie communautaire continue, selon la BCE, de « bénéficier » de la levée des restrictions sanitaires et de la reprise de l’activité, notamment dans le secteur touristique.
Avec AFP