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Tribune. Nul n’était besoin de connaître les résultats du « référendum » sur le projet de nouvelle Constitution organisé lundi 25 juillet en Tunisie, aux modalités viciées dès le départ, pour deviner de quel bois se chauffe le régime politique qu’elle instaure.
La violence avec laquelle la police a dispersé la petite centaine de manifestants rassemblés devant le Théâtre national de Tunis pour protester contre ce projet, le 22 juillet, est révélatrice du soutien zélé des forces sécuritaires dont bénéficie le président Kaïs Saïed, comme du refus de ce dernier de tolérer toute opposition, a fortiori lorsque celle-ci participe à la frange progressiste de la scène civile et politique.
Au lendemain du coup de force (instauration d’un régime d’exception) du 25 juillet 2021, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) à l’instar de bien des associations, l’Union générale du travail de Tunisie ou encore plusieurs formations politiques ont semblé hésiter à dénoncer frontalement le processus lancé par Kaïs Saïed, en particulier son initiative référendaire. Cette prudence s’expliquait par leurs divisions intestines, une tendance au sein de ces organisations paraissant faire crédit au chef de l’Etat d’avoir sorti le pays de l’emprise des islamistes.
Mais la LTDH, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) et le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) se sont finalement ressaisis face à cette Loi fondamentale qui installe une hyperprésidentialisation du régime et un Etat observant les préceptes de la religion.
Que ces associations historiques ne soient pas parvenues, malheureusement, à faire converger l’ensemble des forces politiques et civiques sur un mot d’ordre unique (le rejet d’une autocratie annoncée) participe de facteurs qu’experts et observateurs ont largement décrits : divisions jugées irréductibles, absence de vision politique, profonde lassitude au terme de dix ans de mobilisations, mais aussi, dimension peu mentionnée, retour de la peur.
Mesures d’intimidation et violences policières
Ce sentiment insidieux revient dans un pays qui, durant dix ans, a joui d’une liberté d’expression chèrement payée et enviée des peuples arabes alentour. Certes, certaines « bonnes vieilles pratiques » de répression n’avaient pas disparu, loin de là, faute de réformes depuis 2011 d’un appareil sécuritaire qui, aujourd’hui, se réjouit de l’impunité que lui garantit Kaïs Saïed. Voir, ce 22 juillet, le président du SNJT, Mehdi Jelassi, emmené en ambulance pour avoir subi les gaz de la police, ou encore cinq militants embarqués sans ménagement alors que le rassemblement avait été autorisé, donne un avant-goût du climat à venir.
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