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GenèveLoyer plus cher et «piètre» indemnité après un gros chantier
Des locataires de la cité Carl-Vogt contestent la compensation reçue pour quatre ans de nuisances majeures. Ils dénoncent aussi leur hausse des loyers.
À l’instar de dizaines de résidents des cinq immeubles de la cité Carl-Vogt, à la Jonction, Nelson en a gros sur le cœur. «Pendant des mois, mon salon était bâché. Sans air et avec la chaleur, c’était invivable». Un voisin, Anthony, enchaîne: «Il y a eu quatre années de chantier, on a vécu entourés d’échafaudages et sans balcon pendant deux ans, avec de longs travaux dans les WC et la salle de bains. Et on nous compense avec quoi?! Un mois et demi de loyer?! C’est une piètre indemnité, je dirais même qu’elle est misérable.» Le septuagénaire l’assure, «tout le monde ici est fâché, d’autant qu’on va nous augmenter les loyers!»
La justice saisie
Le chantier, qui a déjà suscité la polémique dans le passé, pourrait s’achever d’ici à la fin de l’année. Mais les occupants d’une septantaine d’appartements (sur 445), appuyés par l’Asloca, l’association de défense des locataires, viennent de saisir la commission de conciliation du Tribunal des baux et loyers. Objectif: faire plier le propriétaire des lieux, l’Hospice général. «Au vu de l’importance et de la durée des nuisances, le montant de l’indemnité devrait plutôt atteindre de trois à six mois de loyer selon les cas», estime Christian Dandrès, juriste en charge du dossier à l’Asloca.
Indemnisation: au locataire de jouer
Il n’existe pas de normes légales en matière de compensations. Celles-ci sont évaluées en fonction des nuisances subies, «ce qui laisse beaucoup de place à l’interprétation», décrit Christian Dandrès. C’est en principe au propriétaire de proposer des indemnités aux locataires. «Mais bien souvent, il ne le fait pas; les habitants doivent donc se mobiliser.» L’Asloca n’intervient jamais de son propre chef, indique le juriste. «Nous agissons sur mandat des résidents uniquement, et préparons ensuite un accord-cadre avec le bailleur, lorsque la fin du chantier approche.»
Nouveaux loyers inadaptés?
D’après Christian Dandrès, l’Hospice n’a par ailleurs pas différencié les travaux de rénovation, dits «à plus-value» dont le coût peut légalement se répercuter sur les loyers, et ceux d’entretien, quasi inexistants depuis des décennies selon l’Asloca, que les habitants n’ont pas à payer. «Il y a un tri à faire.» Les majorations de loyers, jusqu’à 20% pour certains, ne seraient donc pas totalement justifiées. Enfin, le juriste relève que «si payer en plus quelques dizaines de francs par mois est supportable pour des locataires de la classe moyenne, ça ne l’est pas pour des résidents en difficulté financière, comme ceux dont s’occupe l’Hospice, bailleur des lieux».
Hausses «modérées, en général»
L’Hospice conteste offrir des indemnités trop faibles. Il dit avoir prévu l’équivalent de trois mois et demi de loyer pour les locataires les plus lésés. D’autres se sont vus proposer des logements de remplacement durant le chantier: leur indemnité financière est donc réduite. Quant aux hausses de loyer, elles répercutent légalement le coût des travaux à plus-value. «Elles sont en général modérées. Toutefois, il est vrai que certains loyers d’un niveau très bas (ndlr: car anciens) ont subi une augmentation plus conséquente. Les travaux réalisés en matière d’énergie influent aussi au niveau des charges», justifie l’institution. Laquelle se veut rassurante: «Nous entrerons en matière au cas par cas pour adapter ces hausses en fonction des situations financières des locataires.» Enfin, l’Hospice reconnaît l’absence de rénovation lourde depuis la construction des immeubles, mais il assure les avoir régulièrement entretenus.