Au nouveau 49.3 dégainé par Elisabeth Borne sur le budget de la « Sécu », les députés du Rassemblement national (RN) ont répondu jeudi 27 octobre par le dépôt d’une motion de censure, tout comme les élus de La France insoumise (LFI), cette fois seuls à gauche.
Le groupe de Marine Le Pen a fait durer le suspense toute la journée avant d’opter pour une telle motion. « La conjonction des crises sociale, économique et énergétique impose de changer urgemment notre politique sociale pour plus de justice », proclame son texte transmis à la presse. Les 89 élus d’extrême droite y déplorent aussi que « le gouvernement n’[ait] aucune volonté de trouver des mesures de compromis avec les oppositions » et qu’il « refuse qu’un grand nombre de sujets soient débattus ».
A gauche, le groupe LFI était déterminé dès jeudi matin. « On va le faire, en tout cas du côté “Insoumis”, parce qu’il ne faut pas banaliser le 49.3 », a expliqué Eric Coquerel. Puis la cheffe de file des députés « Insoumis », Mathilde Panot, a confirmé ce dépôt « face à un gouvernement irresponsable et minoritaire qui ne connaît que le passage en force ».
Privée de majorité absolue, la locataire de Matignon a actionné mercredi soir, pour la troisième fois en une semaine, l’arme constitutionnelle du 49.3 qui permet de faire passer sans vote un texte de loi, sauf adoption d’une motion de censure. En réponse aux deux premiers, sur les recettes du budget de l’Etat et de celui de la Sécu, l’alliance Nupes avait déposé deux motions.
Le vote-clé ?
Mais même avant le vote, et avec un marathon budgétaire qui pourrait passer au total par une dizaine de 49.3 d’ici mi-décembre, leurs différences de stratégie se faisaient entendre : LFI est favorable à des dépôts systématiques, le reste de la Nupes (socialistes, communistes, écologistes) beaucoup moins.
« Nous continuons d’être ulcérés par la pratique du 49.3 et l’ensemble de l’œuvre budgétaire [de l’exécutif] méritera de nouvelles motions. Pour autant, nous pensons que ce n’est pas le bon choix de banaliser les motions de censure », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) le communiste Pierre Dharréville. Son groupe aurait « préféré aboutir à une stratégie partagée » à gauche mais « respecte » la décision de LFI et se dit « disposé à voter la motion ». Les socialistes n’ont pas encore pris position. Et les écologistes n’en ont pas encore discuté.
« Faut-il de nouveau redire que nous ne sommes pas d’accord, alors que le message est passé, c’est pas forcément une évidence », selon le député PS Arthur Delaporte à propos du dépôt d’une motion. « Il y a des divergences d’appréciation au sein de la Nupes mais pas de drame », insiste un des acteurs à gauche.
Le RN et LFI assurent ne pas faire alliance
Le ralliement surprise, lundi, des voix du RN à l’une des motions Nupes – « un coup de poing dans le ventre », pour le patron des députés PS, Boris Vallaud – a provoqué un malaise dans les rangs et une avalanche d’attaques du camp présidentiel. Emmanuel Macron a fustigé mercredi soir « le cynisme » et « le désordre » des oppositions, accusant la gauche de s’être mise « main dans la main » avec le Rassemblement national.
« Il n’y a pas d’alliance, il n’y en aura pas », a rétorqué jeudi soir sur France 2 Jean-Luc Mélenchon, après que le député RN Jean-Philippe Tanguy avait déjà récusé toute « négociation, ni formelle ni informelle avec la gauche », lors d’une conférence de presse.
Pour qu’une motion passe, « il faut que le RN et les LR la votent », rappelle un député LFI. « Mais si on le fait à chaque fois et qu’on est les seuls [à gauche] à la voter, c’est un problème. On ne veut pas nourrir un récit de la division. » « La prochaine fois, la leçon, c’est qu’on fera une motion de censure qui sera invotable par le RN », a appelé jeudi l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot.
Le texte LFI transmis à l’AFP cite le communiste Ambroise Croizat, un des pères fondateurs de la Sécurité sociale, et dénonce « une nouvelle cure d’austérité » avec ce budget.
Les motions devraient être débattues lundi. Elles n’ont cependant quasiment aucune chance de renverser le gouvernement. Le projet de budget 2023 de la Sécu sera considéré comme adopté en première lecture, et passera au Sénat.