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L’exécution de quatre militants prodémocratie en Birmanie par la junte militaire au pouvoir a été condamnée par la communauté internationale et a relancé les manifestations appelant à la démocratie après le coup d’État du 1er février 2021. Depuis la Birmanie, notre Observateur explique que cette décision de la junte ravive les aspirations de retour à une véritable démocratie dans le pays.
Le coup d’État de février 2021 mené par la junte militaire dirigée par Min Aung Hlaing a, une fois de plus, fait échouer les tentatives de démocratisation de la Birmanie.
Dans les villes et les campagnes, l’opposition à la dictature tente de se faire entendre par de nombreuses grèves et manifestations prodémocratie. Dans certaines régions, la résistance a été sévèrement réprimée par l’armée birmane, accusée de nombreuses exactions sur les civils.
Ce lundi 25 juillet, la junte a exécuté quatre prisonniers, dont Kyaw Min Yu, un écrivain célèbre pour son opposition marquée à la junte, et Phyo Zeya Thaw, un chanteur de hip-pop et militant prodémocratie.
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Ce premier recours à la peine capitale dans le pays depuis des décennies a suscité une large condamnation nationale et internationale.
Alors que de nombreux militants birmans prodémocratie à l’étranger craignent de plus en plus que d’autres condamnations à mort suivent bientôt, les citoyens birmans restés dans le pays continuent d’appeler à un soutien plus constructif de la part de la communauté internationale.
« Nous ne pourrons pas faire leur cérémonie de crémation avant le retour de la démocratie »
Said Kay a fondé la page Twitter « Team for Revolution », une plateforme numérique visant à informer le reste du monde sur les manifestations en cours en Birmanie par le biais de Twitter. Parmi les images relayées sur cette page, on trouve le slogan « Pas besoin de crémation ».
Lundi 25 juillet, des manifestants ont défilé pour condamner l’exécution des quatre militants.
Première image : « Nous faisons une révolution, et il n’y a pas besoin de crémation. Si vous osez nous tuer, tuez-nous comme ça. »
Deuxième image : « Nous sommes des martyrs, nous ne mourrons jamais dans l’esprit des gens. »
Au sujet de ce slogan, Said Kay a expliqué :
Dans la culture birmane, si quelqu’un meurt, le reste de la famille doit procéder à la crémation. Les bouddhistes croient que la mort est une partie naturelle de la vie, et que ces derniers moments peuvent avoir un impact significatif sur la renaissance de l’individu.
Lorsque la mort est imminente, les bouddhistes s’attachent à garder la personne calme, paisible, et nous rendons hommage aux bonnes actions qu’elle a accomplies de son vivant.
Pour cela, la famille ou les amis du défunt peuvent demander à un moine de venir lire des prières. Parfois, ils chantent avec les moines. Mais c’est la tradition pour une personne qui meurt d’une maladie.
Nos héros ont été assassinés par le régime militaire, et la junte ne laisse pas les familles récupérer les corps. En conséquence, nous n’organiserons pas de cérémonie de crémation pour eux tant que nous n’aurons pas obtenu la démocratie.
Sur la photo, il est écrit : « Avez-vous entendu des commentaires de la part des célèbres moines, qui se présentent comme des missionnaires, disant qu’ils (la junte) ne devraient pas le faire (les exécutions) ? » Un message dont on pense qu’il accuse d’éminentes personnalités religieuses d’être nationalistes et de prendre parti pour la junte. Twitter / @minmyatnaing13
« Ils ont étendu leur brutalité à la zone urbaine »
Said Kay ajoute que de nombreux Birmans ont changé leur photo de profil pour un fond noir afin de signaler leur chagrin et leur forte opposition à la junte.
Estimant que les simples condamnations des gouvernements du monde entier ne suffiront pas à arrêter la junte militaire, le militant prodémocratie appelle la communauté internationale à légitimer et à négocier avec le gouvernement d’unité nationale de la République de l’Union de Birmanie, le gouvernement birman en exil chassé par la junte en 2021.
Il y a 50 ans, l’armée birmane s’est déchaînée dans les villages pour s’en prendre aux minorités ethniques [référence au général Ne Win qui, dans les années 1960, a initié le coup d’État lors duquel une grande violence a été utilisée contre les partisans de la démocratie et les minorités du pays, NDLR]. En 2021, ils ont étendu leur brutalité à la zone urbaine.
Il est impossible de dialoguer avec les assassins. Notre avenir est sombre, car la junte tue, enlève des gens et brûle des maisons.
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Manifester en Birmanie n’est pas tâche aisée, et de nombreux Birmans ont surtout exprimé leur colère à l’étranger. Un jour avant les exécutions, des expatriés birmans au Japon se sont rassemblés dans la rue pour protester contre la décision du gouvernement japonais d’inviter Ming Aung Hlaing aux funérailles nationales de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe.
De New York à Bangkok, les communautés birmanes prodémocratie du monde entier se sont aussi mobilisées ce mardi 26 juillet pour défiler, afin de demander la condamnation de la junte militaire pour l’application de la peine de mort et l’avancement de l’agenda démocratique en Birmanie. Retrouvez ci-dessous quelques photos envoyées par Sam (pseudonyme), un manifestant birman à Bangkok.