C’est une petite commune paisible de l’arrière-pays niçois. Des villas cossues, une jolie place, les montagnes tout près et une vue plongeante sur la mer Méditerranée. Un village de 1 600 âmes environ qui organise encore des aubades, ces réveils matinaux en musique pour annoncer les festivités à venir, qui coupe et livre gratuitement le bois aux aînés et cultive des légumes bio pour la cantine de son école maternelle. Alors, depuis quelques jours, à Blausasc, la population a du mal à comprendre pourquoi « on vient [lui] chercher des poux ».
Fin août, la rédaction du Monde a reçu l’e-mail signé d’un « collectif d’habitants de Blausasc et du Pays des Paillons », également adressé à Nice-Matin. Il raconte leur tentative, pendant un an, de faire débaptiser le stade de la commune, nommé Joseph-Merceron-Vicat. Un beau terrain, offert il y a dix ans par la cimenterie Vicat, qui exploite les carrières de la commune des Alpes-Maritimes depuis plus de soixante-dix ans et qui fait vivre une bonne partie du village. Pour couper le ruban, aux côtés du maire, Michel Lottier (Les Républicains), il y avait Eric Ciotti, alors président du conseil départemental, qui a participé au financement du chantier, et le prince de Monaco, Albert II.
« Il nous semble qu’en 2022 de tels rappels de Vichy et du IIIe Reich n’ont pas leur place dans les stades… ni ailleurs. » Un membre du collectif
Seulement, voilà : Joseph Merceron-Vicat était certes patron de l’entreprise familiale sous l’Occupation, ce qui lui a valu cet hommage posthume, mais il était aussi vichyste. Il siège dès 1941 au Conseil national, assemblée consultative créée par le gouvernement de Vichy. A la Libération, Joseph Merceron-Vicat a été condamné par la cour de justice de Grenoble, qui le jugeait pour trahison et intelligence avec l’ennemi, à dix ans de réclusion (peine ramenée à trois ans) et à la confiscation totale de ses biens (réduite à 1 million de francs), ainsi qu’à l’indignité nationale à vie. L’ancêtre de la famille figure également sur la liste des 2 626 membres de l’ordre de la Francisque, une décoration pétainiste.
« Nous obliger à voir ce nom sur les panneaux du village tous les jours, c’est vraiment odieux. Il nous semble qu’en 2022 de tels rappels de Vichy et du IIIe Reich n’ont pas leur place dans les stades… ni ailleurs », estime un des membres du collectif qui souhaite rester anonyme. Ces derniers ont envoyé durant des mois des courriers à la mairie, aux députés, à la Licra et à toutes les institutions auxquelles ils pouvaient penser. En vain.
Il vous reste 59.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.