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« Big is bad »
D’un côté, Meta et son appétit de géant. De l’autre, Within. Une start-up de 60 salariés, installée à Los Angeles, connue pour ses programmes de fitness en réalité virtuelle. Et une application, Supernatural, rendue célèbre pendant le confinement. Un match inéquitable? C’est, en tout cas, ce que reproche l’autorité américaine de la concurrence qui a mis son veto à l’opération au mois de juillet dernier et ouvert une enquête pour « acquisition illégale » contre Meta.
Le constat de l’autorité est sévère, mais argumenté. « Meta a déjà sa propre application de fitness », juge John Newman, le directeur chargé du Bureau de la concurrence à la Federal Trade Commission (FTC). Le groupe de Mark Zuckerberg possède, en effet, un jeu vidéo intitulé, Beat Saber, qui présente de nombreuses ressemblances avec celui développé par Within. « Meta a choisi d’acheter sa position sur le marché plutôt que de la gagner par ses propres mérites », charge l’autorité dans son réquisitoire publié le 27 juillet.
It’s time to go the distance. Supernatural Boxing is here — a brand new way to work your mind and body in Supernatural.
Athletes, come get your gloves 🥊 pic.twitter.com/VPBohIsVFH
— Supernatural (@getsupernatural) October 26, 2021
De lourdes accusations, rejetées par les avocats de Meta qui dénoncent des « poursuites sans fondement ». Jamais encore un géant de la Silicon Valley n’avait eu à répondre de telles charges devant la FTC. De passage à Paris, la responsable de la politique publique et de la concurrence de Meta, Nela Lopez-Galdos, n’a pas mâché ses mots. Lors d’une conférence du cabinet d’avocats Dechert LLP auquel a assisté Challenges, la responsable a dénoncé devant plusieurs responsables de la Commission européenne une enquête « mue par l’idéologie ».
Allusion à peine voilée à la présidente de la FTC, Lina Khan, devenue la véritable bête noire de Meta. Les relations entre Mark Zuckerberg et Lina Khan ont pris un tour de plus en plus conflictuel. Les deux personnalités n’ont jamais caché leur profonde inimitié. Au moment de sa nomination, Meta était allé jusqu’à demander la récusation de Lina Khan, jugée trop hostile à ses intérêts. « Tout au long de sa carrière, la présidente a constamment et publiquement conclu que Facebook était coupable de violer les lois antitrust », s’était fendu Meta dans un courrier à la FTC.
Meta, géant malgré lui?
Le bras de fer entamé par la FTC avec Mark Zuckerberg promet d’être long. Mais plusieurs experts craignent que les charges retenues contre Meta ne soient pas assez solides pour faire annuler la vente. Depuis le mois d’août, le régulateur est déjà revenu sur une partie de ses arguments. Les poursuites pour « acquisition illégale » ont ainsi été retirées. La FTC préférant, désormais, invoquer l’absence de compétition potentielle » entre deux acteurs concurrents sur un « marché naissant ».
Une prudence, qui renforce la position de Meta. Dans son dernier réquisitoire, Mark Zuckerberg n’est, d’ailleurs, plus poursuivi à titre personnel par la FTC, qui a revu son dossier. Une première victoire pour le fondateur de Facebook, qui a mobilisé une armée de lobbyistes pour convaincre les autorités de prendre sa défense. Le 2 décembre, le groupe a, ainsi, invité Washington à ne pas imposer une réglementation excessive contre le secteur afin de ne pas « restreindre l’innovation » dans le domaine de la réalité virtuelle.
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Depuis son changement de nom, l’an dernier, Meta multiplie les investissement dans la réalité virtuelle. Le géant américain détient déjà le fabricant de casque de réalité virtuelle Oculus depuis 2014. Une acquisition réalisée par Facebook pour 3 milliards de dollars auprès de son fondateur, Brendan Iribe. Les développeurs d’applications dépendent également de Meta pour vendre leurs produits sur l’Oculus — premier dans les ventes de casques de VR grand-public — où l’entreprise prélève une commission de 15 a 30%.
Ce ne serait pas la première fois que les régulateurs interdisent à Meta de poursuivre l’un de ses investissements. En 2019, la SEC avait déjà enterré la Libra, le projet de cryptomonnaie de Facebook. Mais c’est l’Europe qui a, pour l’instant, tapé le plus fort. Au mois d’octobre, l’autorité des marchés britannique a obligé le groupe à revendre sa filiale Giphy, spécialisée dans les images animées.
Les sanctions pour Meta en Europe pourraient atteindre plus d’un milliard d’euros cette année pour non-respect de la vie privée, affirme Politico. Après avoir racheté Instagram et WhatsApp en 2014, le monopole constitué par Facebook dans la publicité en ligne se retrouve de plus en plus contesté. Un monopole qui, à l’époque, n’avait pas attiré l’attention des régulateurs.
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