Depuis quelques années, des centaines voire des milliers de femmes utilisent les réseaux sociaux pour raconter les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) qu’elles subissent lors d’examens gynécologiques, d’avortements ou d’accouchements. Mais voilà qu’une nouvelle vague de dénonciations a fait surface il y a quelques semaines. Plusieurs femmes ont accepté de se confier au 24 heures.
Avertissement: ce texte contient des détails qui pourraient ébranler certains lecteurs.
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Audrée, 35 ans
J’ai passé mon premier test Pap probablement autour de 17 ou 18 ans. J’ai eu tellement mal que j’ai failli m’évanouir en sortant. Encore aujourd’hui, quand j’y repense, je me sens faible. Je n’exagère pas.
Le gynécologue était très dur. Je me retenais pour ne pas pleurer. Il m’avait dit que j’avais de «très beaux seins» en me palpant la poitrine. Et pas d’un ton «professionnel». Je m’étais sentie vraiment mal à l’aise.
J’ai 35 ans, je n’ai jamais réussi à aller passer un test Pap complet depuis. Je sais, c’est important, mais je suis clairement traumatisée.
Jusqu’à maintenant, je pensais que c’était moi le problème.
Laure, 32 ans
Je suis allée faire un test Pap et un dépistage des infections transmises sexuellement (ITS) il y a quelques années.
La gynécologue m’a inséré le speculum de façon brutale. J’ai eu très mal. Elle est ensuite sortie de son bureau en laissant la porte grande ouverte, le rideau n’était pas tiré et je ne pouvais pas bouger. N’importe qui aurait pu entrer ou regarder.
Je suis consciente qu’un test Pap n’est pas agréable, mais pas de là à avoir une gêne qui perdure plusieurs jours!
J’ai aussi été couverte de jugements par la médecin quant à mon nombre de partenaires dans l’année. Lorsque j’ai répondu «une dizaine», elle m’a dit : «Ah! Vous ne savez pas combien. Vous êtes occupée en tout cas!»
Je me sentais déjà excessivement jugée.
Béatrice, 29 ans
Je suis allée deux fois dans une même clinique depuis que j’ai 21 ans.
Mes expériences ont été marquées par la froideur extrême, la rudesse, le jugement et la violence du personnel, plus particulièrement d’une gynécologue.
Le test Pap a été extrêmement douloureux, alors que j’ai une bonne tolérance normalement. J’ai eu des saignements pendant plusieurs jours, en plus de crampes au bas ventre.
Lors de ma dernière visite, je portais une robe. Alors que j’étais allongée sur la table, les jambes ouvertes et le spéculum en place, elle lève ma robe et mon soutien-gorge jusqu’au cou, sans préavis, d’un geste très brusque. Elle me tâte les seins d’une force importante. Je suis complètement vulnérable, nue sur la table, avec un spéculum inséré et une médecin qui me manipule comme si j’étais un pantin.
Elle a ensuite quitté la salle d’examen en me laissant dans la même posture, avec le spéculum encore en place. Elle est allée dans le corridor pour discuter avec un collègue, la porte ouverte. Ça a duré 10 minutes, mais ça m’a paru des heures.
J’étais figée, les larmes aux yeux.
J’ai attendu longtemps avant de retourner faire un examen gynécologique. À chaque rendez-vous de santé, je suis prise avec de violentes crises d’anxiété. Ça ne change pas.
Sarah, 31 ans
Je suis allée voir une gynécologue d’expérience que m’avait conseillée une amie l’été dernier. J’avais eu une mauvaise expérience dans le passé, alors je voulais vraiment me sentir en confiance.
J’arrive dans son bureau, elle n’est pas aimable. Elle m’explique bêtement qu’elle fera un prélèvement, une prise de sang et un test mammaire.
Je m’installe, je mets mes pieds dans les étriers. Elle me crie que je dois les ouvrir sinon elle ne verra rien. Quand j’écarte mes jambes, elle me dit : «Bien voyons donc! Mais pourquoi vous vous rasez? Vous voulez avoir l’air d’une jeune fille, c’est ça?»
J’étais super mal à l’aise et stressée, surtout venant d’une femme qui fait ce métier depuis très longtemps. Elle me touchait les seins comme si ça l’écœurait.
Je me suis sentie brusquée. C’était agressif.
Béatrice, 23 ans
J’ai pris la décision de me faire mettre un stérilet il y a quelques semaines. La prescription a été faite par téléphone en cinq minutes environ, avec très peu d’informations sur la procédure et les effets secondaires.
Je suis arrivée dans le bureau de la gynécologue au CLSC avec mon stérilet en cuivre sans hormone. Remplie de jugement, elle me dit que je vais le regretter et hésite à me l’installer. Je lui explique que je ne veux pas mettre d’hormones dans mon corps. Elle me répond que mes croyances sont ridicules, que je suis naïve de croire tout ce que j’entends.
Je décide de poursuivre. Elle commence la procédure. Elle me dit que je vais avoir mal, mais que c’est le prix à payer pour ne pas tomber enceinte à 23 ans. Elle ajoute que de toute façon c’est à moi à m’informer sur la douleur et qu’elle, elle est là pour faire sa job.
Les larmes me montent. Je ne me sens pas en sécurité. Pourquoi rendre la situation encore plus pénible qu’elle ne l’est déjà?
Elle insère le premier outil. J’ai vraiment mal. Elle me dit que je saigne beaucoup, que ce n’est pas normal, mais elle continue quand même. Je pleure, je lui demande d’arrêter. La douleur est trop vivre. Elle finit par retirer sa pince de mon col de l’utérus et me dit : «Je ne sais pas à quoi tu t’attendais et ne crie pas, tout le monde va t’entendre».
J’ai du sang plein les jambes. Je remets mes pantalons.
Je sors du bureau, je me rends à ma voiture. Mes culottes sont couvertes de sang. Je me suis sentie violée, brisée, abusée. Je suis restée 3 jours dans mon lit à avoir mal au ventre avec le sentiment que mon corps n’était plus le mien.
Emmanuelle*
J’ai accouché de mon deuxième enfant il y a deux semaines et j’ai vécu une expérience assez intense que je devrai gérer avec de l’aide psychologique.
C’était un accouchement avec rendez-vous puisqu’on devait m’injecter du Pitocin, une hormone synthétique qui fait dilater le col de l’utérus. Et c’était clair depuis le début: je voulais l’épidurale. J’étais aussi accompagnée d’une doula, c’était dans mon plan de naissance.
Dès le début, l’infirmière était très réticente à toutes ses interventions. Je voulais bouger, marcher et être sur le ballon. J’avais l’expérience de mon premier accouchement. Je n’avais pas bougé et ça s’était mal passé.
L’infirmière a proposé de me donner l’épidurale pendant que je n’étais pas en grosse douleur. Pour que ça se répande de manière équilibrée dans le corps, il faut rester environ 25 minutes sur le dos sans bouger. Mais elle insistait: c’est une heure. Il faut savoir que des contractions sur le dos, ce n’est vraiment pas agréable.
Comme à mon premier accouchement, je n’ai pas été soulagée par l’épidurale. Malgré mes plaintes, l’infirmière a commencé à m’injecter du Pitocin. Elle m’a dit: «Si tu veux que ça ouvre ce col, il faut souffrir».
Lorsque j’ai reçu l’hormone synthétique, j’ai aussi commencé à la produire de manière naturelle. Après une heure, j’étais en douleur, mais elle ne faisait rien pour me soulager. Elle ne voulait pas que je bouge. Je me suis retrouvée en situation de torture.
Le médecin est arrivé et a fait arrêter le Pitocin. Il a dit que j’étais clairement en douleur. J’ai finalement accouché sans avoir besoin de pousser.
C’est comme si l’infirmière suivait son protocole sans m’écouter et en me faisant souffrir. Elle est revenue en riant après l’accouchement en me disant: «Je suis reconnue pour faire arriver les bébés rapidement».
Il n’y a rien qui nécessitait de me mettre dans cette situation de souffrance. Il n’y a pas d’excuses à vouloir aller aussi vite.
Marie-Pier, 34 ans
J’ai fait un changement de stérilet en juillet 2019. Je suis allée dans une clinique à Montréal. Le médecin était somme toute assez froid.
En retirant mon ancien stérilet, ça m’a fait super mal. J’avais des contractions, j’ai poussé un cri de mort. C’était pire que mes plus grosses crampes de menstruation à vie!
Je suis pourtant tolérante à la douleur. Je me fais tatouer sans broncher. Et ce n’est pas mon premier stérilet, mais c’est la première fois que c’était aussi intense. Je me suis dégagée parce que j’avais trop mal. Il m’a pris la cuisse pour me ramener en me disant: «Ne bouge pas, c’est là que ça va faire mal pour vrai», puis il m’a remis le nouveau stérilet.
Une fois la procédure terminée, je me suis relevée de la table. J’ai à peine eu le temps de poser mes pieds au sol que j’ai perdu connaissance. J’ai fait un choc vagal. En me cognant la tête par terre, j’ai fait une commotion cérébrale. J’ai été en arrêt de travail pendant deux mois après.
Le médecin ne m’a même pas aidé à me relever. Lorsque je me suis réveillée, mes pieds étaient dans ses mains et il me tirait vers son bureau. Il m’a ensuite dit: «Vous êtes pas mal une petite nature vous, vous vous évanouissez à rien». Je me tordais de douleur et je me suis fait traiter de chochotte!
Se faire jouer dans l’intérieur, ça vient avec des sentiments. Le corps des femmes n’est pas juste un réceptacle. J’ai vraiment des séquelles de ça encore aujourd’hui. Dès qu’on touche à mon col de l’utérus, je ne suis pas bien.
Françoise, 30 ans
C’était lors de l’accouchement de ma deuxième fille. Comme à mon premier bébé, son cœur s’est mis à décélérer. J’étais en maison de naissance, alors on a dû se rendre à l’hôpital.
J’ai demandé les choses très clairement avant d’entrer en salle d’opération. Je voulais une épidurale, mais la médecin a refusé malgré le fait que le cœur du bébé s’était stabilisé.
Elle me criait dessus alors que j’étais zen. Je suis sage-femme, disons que j’en ai vu d’autres.
J’ai rencontré la gynécologue après mon accouchement parce que je trouvais qu’elle m’avait manqué de respect. Je travaille avec elle, on se connaît.
Dans mon dossier obstétrical qu’elle a lu à haute voix, elle a écrit que j’étais hystérique. Comme dans la théorie sexiste de Freud attribuée aux femmes lorsqu’elles expriment leurs besoins.
*L’âge n’a pas été spécifié par souci d’anonymat.