L’affaire doit toutefois encore recevoir le feu vert de l’Autorité de la concurrence, on ne peut plus attentive sur le secteur – en témoigne notamment son véto en septembre 2022 à la fusion entre TF1 et M6.
Orange et Canal+, de vieilles connaissances.
Orange et Canal+ sont de vieilles connaissances. Il y a douze ans déjà, la filiale de Vivendi et OCS avaient tenté de se rapprocher une première fois pour lancer une télévision premium payante. Le duo s’était alors heurté au veto des autorités de la concurrence. Mais c’était avant que les plateformes américaines ne déferlent en Europe. Et avant, surtout, qu’Orange ne décide de solder son aventure dans les contenus.
Nommée il y a près de dix mois, la nouvelle directrice générale de l’opérateur, Christel Heydemann, exclut tout big bang stratégique, mais s’efforce de rendre le groupe beaucoup plus agile en s’attaquant aux branches malades du groupes, à revitaliser ou à élaguer. Parmi ces branches, aux côtés d’OBS, la division services aux entreprises, ou encore Orange Bank, le pari raté dans les services financiers, figurait également OCS.
OCS, une affaire qui patine
Lancée en 2008, sous le règne de Didier Lombard et le pilotage zélé de Xavier Couture (ex-Canal+, ex-TF1), la plateforme de séries et de cinéma patine sur ce marché de plus en plus encombré. Malgré ses quelques trois millions d’abonnés, elle cumulerait plus d’un milliard d’euros de pertes. En ce début d’année 2023, surtout, OCS, déjà fragile, se voit privée de surcroît de son meilleur produit d’appel, les contenus de la chaîne américaine HBO, fournisseur de cartons en séries : Game of Thrones, Euphoria, Succession… Sans surprise, Warner Bros Discovery, la maison-mère de HBO, préfère récupérer sa pépite pour alimenter sa propre offre tricolore.
Orange Studio, une réussite à développer
« Actionnaire à hauteur de 33,3 % d’OCS, et son principal distributeur, Canal+ était le repreneur logique et naturel, décrypte François Godard, analyste patenté du secteur au sein du cabinet Enders. Sur un marché devenu mondial, le groupe veut changer d’échelle. » L’opération inclut au final Orange Studio. A son actif, cette dernière a la coproduction et la distribution du film oscarisé The Father de Florian Zeller, ou encore de La Belle Epoque de Nicolas Bedos… Il a coproduit quelque 200 films depuis sa création en 2007, notamment en Afrique. Une terre que Canal+ laboure activement.
Un strapontin au capital qui a pesé dans la négociation.
Le montant et les détails de la transaction n’ont pas encore été dévoilées, ni présenté par le menu aux représentants des salariés. Mais Canal+, piloté par Maxime Saada, négociateur avisé et tatillon, a sans nul doute profité de son ticket d’entrée dans le capital d’OCS, pour faire valoir son « droit de suite » en cas de pourparlers avec tout autre candidat au rachat. « OCS en lui-même ne vaut pas très cher – grosso modo le prix de son fichier – et Orange Studio a dû être valorisé au prix de son catalogue », analyse François Godard.
Selon Les Echos, « une fois n’est pas coutume, c’est le vendeur, c’est-à-dire Orange, qui verse de l’argent à l’acheteur Canal+ » car OCS qui compte quelque 3 millions d’abonnés, est « endetté et en pertes ». Cette somme « serait de moins de 100 millions d’euros et surtout ne prendrait pas la forme d’un chèque sec à Canal+ », affirme le quotidien économique.
Si elle finalise l’opération, la filiale de Vivendi étoffe surtout son offre : Orange Studio a un catalogue de 1800 œuvres. Et rien ne dit que le duo va couper les ponts. « Premier studio de cinéma et de télévision en Europe, Studiocanal possède de nombreux atouts pour faire rayonner le catalogue d’Orange Studio », s’est-il targué dans le communiqué commun. L’analyste développe : « Le tandem a tout intérêt à s’entendre et à rester amis. Pour Canal+, Orange reste le partenaire idéal avec une base d’abonnés premium prêts à dépenser de l’argent en programmes, à condition de bien savoir leur vendre. Et ça, Canal+ sait faire. C’est un potentiel sous-exploité. »