Le Web3 et le marché des NFT n’est peut-être pas le far west fantasmé. Aux États-Unis, un artiste a été condamné par un jury new-yorkais à verser 133 000 $ (121 000 €) en dommages et intérêts à la société Hermès pour avoir vendu sans autorisation des NFT de sacs de la marque de luxe française. Cette décision était attendue, car elle crée un précédent en matière de propriété intellectuelle dans le monde des œuvres virtuelles.
En 2021, l’Américain Mason Rothschild, fondateur d’un studio de création spécialisé dans le Web3, lance le NFT Baby Birkin à l’aide d’un artiste. Le succès est considérable puisque cette image d’un sac Hermès Birkin avec un fœtus à l’intérieur se vend la bagatelle de 23 500 $. Fort de cette réussite, les deux compères remettent le couvert avec le projet MetaBirkins, une collection de 100 NFT de ce mythique sac Birkin déclinée dans des coloris très variés. Selon les documents produits en justice par Hermès, la collection aurait rapporté plus d’un million de dollars à ses créateurs. Certaines de ces œuvres sont d’ailleurs toujours disponibles à la revente sur une plateforme spécialisée à des prix variant entre 5000 et 165 000 $. Problème, Hermès n’a jamais fourni d’autorisation.
Une “belle journée pour les grandes marques”
N’y voyant pas l’hommage évoqué par l’artiste, la marque de luxe a alors riposté en 2022, exigeant l’arrêt du projet, la récupération du nom de domaine et une compensation financière. Mason Rothschild, de son vrai nom Sonny Estival, a ainsi été jugé coupable de trois chefs d’accusation : contrefaçon, dilution de marque et cybersquatting. Hermès avait à l’époque indiqué que la collection de Rothschild est “de nature à occasionner de la confusion et des erreurs d’interprétation dans l’esprit des acheteurs”. Après le verdict, un porte-parole a ajouté que la maison de luxe a “agi pour protéger les consommateurs et l’intégrité de sa marque”.
Non sans ironie, un des avocats de l’artiste a indiqué qu’il s’agissait d’une “belle journée pour les grandes marques [mais] terrible pour les artistes et le premier amendement”. Le créateur de MetaBirkins avait en effet invoqué la liberté d’expression définie par le premier amendement de la constitution des États-Unis pour justifier sa création et son bon droit de la commercialiser. Également évoquée, la sérigraphie d’Andy Warhol consacrée à la reproduction des boîtes de conserve Campbell, l’artiste n’ayant à l’époque pas demandé une quelconque autorisation à Campbell. Des arguments non retenus par le tribunal qui a estimé que la collection de sacs virtuels n’est pas une œuvre d’art, mais de la contrefaçon.