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Trente ans après le conflit: deux policiers Québécois ont tourné un documentaire en Bosnie

Trente ans après le conflit: deux policiers Québécois ont tourné un documentaire en Bosnie


Alain Boivin n’avait que 18 ans lorsqu’il s’est envolé pour Sarajevo pour participer en tant que militaire à la mission de maintien de la paix en plein conflit bosniaque. «J’ai pensé à ça presqu’à tous les jours depuis que je suis revenu, laisse-t-il tomber au bout du fil. J’ai été deux décennies à me dire : il faut que j’y retourne.»

Marqué à vie par la misère humaine qu’il a vue lors de son passage en 1993, l’homme aujourd’hui policier à Saint-Eustache est enfin retourné en Bosnie au début du mois d’octobre pour tourner un documentaire, sillonnant les quatre villes où il était passé à l’époque.  


À Sarajevo, les façades de certains immeubles portent encore les traces de missiles.

Photo courtoisie, Jean-Sebastien Levan

À Sarajevo, les façades de certains immeubles portent encore les traces de missiles.

Le film Rendez-vous à Srebrenica, qui sera disponible en 2023, documentera sa quête personnelle, celle d’aller constater comment le pays s’est relevé de cette guerre qui a fait 100 000 morts et deux millions de déplacés. Alain Boivin explique qu’il avait besoin de se fabriquer «d’autres souvenirs». 

«Quand je pensais à cet événement-là, c’était avec ma tête de gars qui avait 18 ans, confie-t-il. Ça m’a beaucoup soulagé de voir que la vie avait repris son cours.» On le verra refaire son parcours avec beaucoup d’émotions. 

«J’en ai versé, des larmes», dit-il.

«Ça frappe l’imaginaire»

Pour le tournage, Alain Boivin est parti avec un grand ami, le policier et caméraman Jean-Sébastien Levan, qui oeuvre aujourd’hui comme porte-parole du Service de police de la Ville de Lévis. Contrairement à ce qu’ils s’attendaient, ils ne se sont fait intercepter par les forces de l’ordre ni dans la rue, ni aux douanes, précise M. Levan.   


Jean-Sébastien Levan, Alain Boivin

Photo courtoisie, Jean-Sebastien Levan

Le duo a pu capter des images très librement de tous les endroits qu’ils ont retracé. Les premiers arrêts ont été à Sarajevo et Visoko, là où se trouvent les ruines du camp de base canadien. 

«Le gouvernement n’a pas investi pour effacer les traces du passé, a constaté Jean-Sébastien Levan. Il y a encore des ruines un peu partout, des artefacts qui sont laissés à l’abandon. Il y a des endroits au centre-ville de Sarajevo où il y a des trous dans les édifices, des impacts de balles, des cratères de missiles avec des éclats. Ça frappe l’imaginaire». 


Il existe encore beaucoup de vestiges de la guerre de Bosnie, même trente ans plus tard.

Photo courtoisie, Jean-Sebastien Levan

Il existe encore beaucoup de vestiges de la guerre de Bosnie, même trente ans plus tard.

Puis, ils ont mis le cap vers Mostar, où se trouve aujourd’hui le Musée de la Guerre et du Génocide. «Ça été le bout le plus tough, évoque le caméraman et policier. Ils n’ont pas de pudeur par rapport à cette époque-là. J’ai vu des images très crues, des vidéos d’exécution dans les champs, des photos très graphiques sur les enfants décédés. Ça mettait des images sur ce que j’entendais depuis le début du voyage. Je me suis dit : ok, c’est pour ça qu’on vient ici.» 

Le point culminant de l’expédition était le détour à Srebrenica, où Alain Boivin avait passé quatre des six mois de sa mission. En 1993, le village de 2500 habitants s’était transformé en ville assiégée de 52 000 réfugiés. Il y a rencontré Rob Zomer, un ancien militaire hollandais qui a assisté au génocide de 1995 qui a fait plus de 8000 morts au village – tous les hommes entre 15 et 77 ans. 


Des milliers de personnes victimes du génocide de 1995 reposent au cimetière de Srebrenica.

Photo courtoisie, Jean-Sebastien Levan

Des milliers de personnes victimes du génocide de 1995 reposent au cimetière de Srebrenica.

«Nous, les militaires canadiens, on avait un rôle de protection de la ville et de la population, ce qui était l’équivalent de se mettre entre deux personnes qui se chamaillent, se rappelle Alain Boivin. On a vécu au diapason de la population. Elle était tellement démunie. Ils n’avaient plus de nourriture, ils avaient faim, ils étaient malades, il n’y avait plus d’électricité. Les gens chauffaient au bois, mais à force de couper le bois autour, ça donnait une impression apocalyptique. Ce village-là m’a beaucoup marqué.» 


Jean-Sébastien Levan, Alain Boivin

Photo courtoisie, Jean-Sebastien Levan

Un parallèle avec l’Ukraine

Le documentaire a été tourné ironiquement alors que trente ans plus tard, l’histoire se répète à moins de 2000 kilomètres au Nord-Est de la Bosnie-Herzégovine. 

«C’est incompréhensible, mais ça ne me surprend pas, laisse tomber l’ancien militaire. Ce qui s’est passé en Bosnie, ce n’est pas ça qui va empêcher la guerre en Ukraine et empêcher les Russes de faire ce qu’ils voulaient faire. Pour eux, les ambitions économiques, stratégiques et tactiques passent bien avant les pertes civiles, malheureusement.» 

«Quand tu vois toutes les atrocités que les Serbes ont commis envers la population civile, tu te demandes comment l’être humain peut en arriver là, se questionne pour sa part Jean-Sébastien Levan, transformé par son périple en Bosnie. Pourquoi l’histoire n’a pas appris aux hommes? Ça, ça frappe.»  

Le documentaire Rendez-vous à Srebrenica sera disponible en 2023.



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