En juillet 2020, la restitution de 24 crânes d’Algériens conservés en France était un signe d’apaisement entre les deux pays. Avec ces restes humains, rapportés comme des trophées par les colonisateurs du XIXe siècle, Alger pouvait enfin rendre hommage à ses premiers résistants, décapités. Il s’avère cependant que ce symbole de réconciliation mémorielle s’est accompagné de petits arrangements avec l’histoire. Selon le New York Times, seuls 6 des 24 crânes remis par Paris étaient clairement identifiés comme ceux de résistants. Parmi les autres, d’origine incertaine, figure trois supplétifs de l’armée française. La découverte rouvre ainsi une plaie que le geste de la France était supposé contribuer à refermer.
Cet imbroglio n’est pas inédit. Lorsqu’en novembre 2019 la France remet en grande pompe au Sénégal le sabre dit d’El Hadj Oumar Tall, les spécialistes émettent des réserves car ce chef religieux et conquérant n’en a jamais été le propriétaire. « C’est là un étrange signal qui est envoyé à l’Afrique : la première œuvre qui lui est “restituée” est un objet européen qui n’a passé que quelques années sur le continent et n’est en rien ce que l’on dit qu’elle est », écrit alors l’universitaire Francis Simonis dans une tribune au Monde.
Triste existence
Par nature complexe, l’exercice de la restitution l’est d’autant plus s’agissant de restes humains. Les collections françaises conservent plus de 150 000 reliques (crânes, ossements, parties du corps conservées dans des bocaux…), dont quelques centaines, provenant d’anciennes colonies, pourraient faire l’objet légitime de demandes de restitution. « Une question taboue parce qu’elle ouvre un pan de notre histoire pas toujours très glorieux », remarque Catherine Morin-Desailly, sénatrice de l’Union centriste.
« Les réserves de nos musées, du Musée de l’homme en particulier, ne peuvent pas être considérées comme des sépultures dignes pour un être humain. » Nicolas About, sénateur centriste, en 2001
Longtemps, la France a freiné devant les pressions des pays réclamant le retour de ces reliques humaines, comme en témoigne le destin de Saartjie Baartman, surnommée la « Venus Hottentote ». Exploitée sexuellement en Angleterre puis en France, exhibée comme une bête de foire pour les particularités de ses fesses plantureuses, cette femme originaire de l’ethnie des Khoïsan a terminé sa triste existence à Paris.
A sa mort, en 1815, Saartjie Baartman est disséquée, puis classée par l’anatomiste Georges Cuvier comme « représentante d’une humanité inférieure ». Le moulage de son corps ainsi que son squelette seront exposés au Musée de l’homme comme un trophée de chasse. Lorsque l’Afrique du Sud réclame les restes en 1996, le ministère de la culture trouve alors tous les prétextes pour s’y opposer. Un sénateur centriste, Nicolas About, s’en émeut à l’époque et fait valoir que « les réserves de nos musées, du Musée de l’homme en particulier, ne peuvent pas être considérées comme des sépultures dignes pour un être humain ».
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