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Québec dépêche 160 employés d’urgence pour s’occuper d’aînés maltraités dans deux résidences de Montréal

Québec dépêche 160 employés d’urgence pour s’occuper d’aînés maltraités dans deux résidences de Montréal


En pleine pénurie de main-d’œuvre, le réseau de la santé a dû déployer l’équivalent de 160 employés et embaucher «en urgence» une gestionnaire à 150$ l’heure pour s’occuper de deux résidences privées pour aînés sous tutelle depuis le début septembre.

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Québec a dû prendre en charge les résidences Floralies de La Salle et de Lachine, car elles «semblent s’adonner ou tolérer des situations susceptibles de compromettre la santé ou le bien-être» des résidents, peut-on lire dans une lettre signée par le ministre de la Santé, Christian Dubé. 

Ces deux résidences appartiennent depuis 2019 à un géant français des résidences pour aînés (voir plus bas). Sur les quelque 330 résidents qui logent aux Floralies, les soins et services de 214 d’entre eux sont payés par l’État en vertu d’ententes particulières, selon les données du réseau. 

Selon nos informations, la situation aux Floralies est si précaire que les CIUSSS de la région ont dû dépêcher en urgence et à leurs frais environ 100 ressources du domaine public, et 60 autres embauchées par l’intermédiaire d’agences privées de placement de personnel, a appris notre Bureau d’enquête. 

La ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, fera d’ailleurs le point sur la situation aux Floralies lors d’une conférence de presse jeudi après-midi. 

Cette situation urgente survient alors que les établissements de santé du Québec sont en manque critique de main-d’œuvre.  

Cette tutelle est la première imposée en vertu de la nouvelle loi contre la maltraitance envers les aînées, pilotée par l’ex-ministre Marguerite Blais et adoptée en avril dernier. 

Une gestionnaire à 150$ l’heure  

Le réseau a également dû embaucher à fort prix une gestionnaire pour opérer la tutelle aux Floralies, a-t-on appris. 

En effet, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île n’avait «ni les ressources [ni] l’expertise suffisante» pour gérer les deux résidences, peut-on lire dans des documents contractuels. 

L’établissement de santé a ainsi jeté son dévolu sur Sophie Boulva, qui touchera 153 300$ pour une période de 24 semaines, avec un salaire horaire de 150$.   

Mme Boulva n’en est pas à sa première entente avec le réseau. En 2020 et 2021, elle avait obtenu un contrat de 185 000 $ pour soutenir des résidences privées pendant la pandémie, à raison de 100$ l’heure. Ainsi, en l’espace de trois ans, elle aura obtenu 338 300$ en contrats avec le gouvernement.  

Un autre contrat de quelque 75 000$ a été octroyé à Alexandre Mercier pour s’occuper notamment de «l’application des horaires» aux Floralies, un enjeu «complexe», indique un autre document contractuel.  

Qui paiera? 

Malgré les sommes importantes investies – plusieurs millions de dollars, notamment en rémunération des employés mobilisés d’urgence –, le MSSS n’a aucune garantie de revoir son argent. «Il n’y a pas un article dans la loi qui dit nommément que les frais devront être remboursés [au CIUSSS]», a reconnu le ministère de la Santé, qui compte ainsi sur la bonne foi des Floralies pour payer la facture.  

Quant aux sommes versées aux Floralies pour prendre en charge les patients du réseau public, l’administration provisoire «n’a pas le pouvoir de changer les ententes contractuelles prises avec les CHSLD Floralies», a indiqué le ministère de la Santé. Si bien qu’à l’heure actuelle, l’État québécois continue de payer pour les places achetées dans les deux résidences.  

Le président et chef de la direction de l’entreprise propriétaire des Floralies, Benoît Lellouche, n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.   

Un géant français derrière les résidences 

Les résidences Floralies sont la propriété d’intérêts étrangers, soit le groupe français Vivalto, dont certaines des ramifications s’étendent jusqu’au Moyen-Orient.  

Selon les recherches effectuées par notre Bureau d’enquête, le groupe Vivalto, un des plus importants joueurs de France dans l’hébergement pour personnes âgées, est notamment financé par une société d’État des Émirats arabes unis (EAU).  

En effet, la firme d’investissement Mubadala, basée dans la capitale Abou Dhabi et dont deux des administrateurs sont ministres des EAU, a investi des millions de dollars dans Vivalto depuis 2015.  

Vivalto et son fondateur, Daniel Caille, en mènent large en Europe dans le milieu des soins hospitaliers privés et aux personnes âgées. Une des filiales du groupe français possède pas moins de 49 établissements de santé sur le Vieux Continent. Quant à M. Caille, sa fortune personnelle le place 232e quant aux personnes les plus riches de France, selon le magazine économique Challenges.   

Maltraitance alléguée 

Le groupe français a fait les manchettes pour les mauvaises raisons au cours des dernières années. En juin dernier, des employés d’une résidence pour personnes âgées de Nouvelle-Aquitaine, appartenant à Vivalto, disaient avoir été contraints de maltraiter des résidents en raison du manque de personnel et d’équipement, selon le quotidien La Nouvelle République

Un an plus tôt, des médecins d’une clinique de Vivalto en Normandie déploraient le manque de moyens humains et matériels dans leur pratique, lequel aurait contribué au suicide d’une médecin urgentiste, selon le journal local La Dépêche.  

Au Québec, le groupe est propriétaire depuis juillet dernier d’un troisième établissement, soit le Manoir St-Joseph, situé dans le quartier Ahuntsic à Montréal.  

Mais même avant l’acquisition des Floralies par Vivalto en 2019, ces deux résidences jouissaient déjà d’une réputation peu enviable dans le réseau de la santé et des services sociaux. Elles font l’objet depuis plus d’une décennie de reportages déplorant les conditions de vie qui y prévalent. Cela n’a pas empêché les établissements publics de continuer d’y acheter des places au fil des années. 

Mesure de contention illégale, mauvaise qualité des soins, maltraitance; les reproches dont les Floralies font l’objet depuis 2005 sont nombreux. En avril et en mai 2020, l’armée avait même dû être déployée aux Floralies Lasalle et Lachine pour compenser le manque de personnel. 

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